Les "Artisans de Bossimé" repensent le commerce de proximité

Les "Artisans de Bossimé"
repensent le commerce de proximité

Installé en région namuroise, le jeune chef Ludovic Vanackere ne manque ni d'enthousiasme ni d'idées.
Il vient de lancer une plate-forme de distribution de produits locaux en circuit court, autour de laquelle il souhaite développer un véritable écosystème économique local.

Reportage
Hubert Heyrendt

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A 27 ans, Ludovic Vanackere est déjà un chef qui compte sur la scène culinaire belge. Il y a sept ans, à peine sorti de l'école hôtelière de la Citadelle, ce "gamin" a lancé au culot son propre restaurant. Installé dans la ferme de sa mère près de Loyers, à la sortie de Namur, "L'Atelier de Bossimé"(qui fera prochainement peau neuve) est vite repéré par les gourmets du coin, puis par les guides gastronomiques.
Résultat : en 2014, le jeune chef intègre GénérationW, ce collectif lancé par Sang-hoon Degeimbre ("L'Air du temps") qui insiste notamment sur le travail des chefs avec leurs producteurs et artisans.

Ludovic Vanackere veut donner une dimension citoyenne à son projet.

Une philosophie qui colle bien à l'état d'esprit de "L'atelier de Bossimé", où l’on met un point d’honneur à valoriser les produits locaux. Ici, le pain est fait à la farine de Hollange, le pigeonneau du Domaine de Sohan à Pepinster est cuit au foin, tandis que les fraises de La Bruyère se déclinent en glace au moment du dessert…

Une plate-forme de vente en ligne

Mais Ludovic Vanackere a voulu pousser plus loin encore sa réflexion sur le terroir. En mai dernier, il s'est donc lancé, sans aucune aide publique, sans aucun subside, dans une aventure un peu folle, celle des "Artisans de Bossimé", une plate-forme de vente en ligne de produits locaux.
Pour l'instant, une idée en appelant une autre, le projet est encore un peu foutraque... Mais on sent chez le jeune homme un véritable enthousiasme et une envie sincère de faire bouger les choses. "On n'invente rien. Mon père, qui est mort il y a 10 ans, a fait pendant 25 ans du beurre, du lait et des volailles. Et il faisait les marchés, où il vendait également les produits de ses collègues paysans..., commente l'intéressé. Ce qui a changé, c'est qu'aujourd'hui, Internet nous permet de nous mettre en relation avec les clients."

"On n'invente rien. Mon père, qui est mort il y a 10 ans, a fait pendant 25 ans du beurre, du lait et des volailles. Et il faisait les marchés, où il vendait également les produits de ses collègues paysans... Ce qui a changé, c'est qu'aujourd'hui, Internet nous permet de nous mettre en relation avec les clients."

Ludovic Vanackere

Pour le jeune homme, la dimension humaine de cette entreprise est primordiale. "C'est un peu mon projet citoyen, avoue-t-il. Je veux qu'il soit durable économiquement, écologiquement mais aussi socialement. On veut proposer quelque chose de différent, pas juste surfer sur la vague locavore. Le producteur doit pouvoir gagner décemment sa vie. Pas pour rouler en Porsche, mais au moins pour pouvoir prendre quelques jours de vacances. Et les prix doivent aussi être raisonnables pour les clients. Notre but, c'est qu'ils puissent faire leurs courses de tous les jours, pas trouver des produits d'exception à des prix prohibitifs. Nos marges sont donc minimes."

Deux maraîchers cultivent aujourd'hui un potager de 6 ha mis à leur disposition par le jeune chef.

Pour rentabiliser les investissements engagés, le site va devoir tourner rapidement autour des 250 à 300 commandes par semaine. Mais attention, en conservant la philosophie locavore du projet ! "On veut produire local et vendre local. On ne distribue donc qu'à 15 minutes autour de Namur…"

De la terre à l'assiette du restaurant

L'idée des "Artisans de Bossimé" a germé il y a deux ans, quand Ludovic Vanackere a commencé à travailler avec un jeune jardinier pour son restaurant. "L'accès à la terre est très difficile pour les jeunes. Je lui ai donc prêté un lopin de terre et je lui ai acheté les légumes. Du coup, il ne devait plus perdre de temps à faire les marchés. Il pouvait se concentrer sur la culture."
Aujourd'hui, un deuxième jardinier a rejoint ce vaste potager. Celui-ci s'étend désormais sur 6 ha. Il est bordé par des ruches gérées par Xavier Renotte de chez "Nectar & Co". Lesquelles fournissent le miel de Bossimé, que l'on retrouve en dessert à "L’atelier".

Si la ferme familiale est restée en agriculture conventionnelle, on travaille ici de manière raisonnée, alors que la certification bio devrait arriver l’année prochaine. "Même si moi je suis à 100% contre le bio!, s'enflamme le jeune chef. Les normes sont trop lâches. Et puis du bio du bout du monde, ça n'a pas de sens... On veut du conventionnel durable pour garder des prix compétitifs. Mais on essaie d'éviter au maximum les pesticides."

Crottin de cheval et ballots de foin

Jeune jardinier de 23 ans, Adam Bacchus souhaite, lui aussi, une culture la plus propre possible. A côté de ses grandes serres (où il a notamment planté de très nombreuses variétés de tomates), il s'est ainsi essayé cet hiver à la culture sur crottin de cheval entre des ballots de foin, afin de préserver un maximum de chaleur et de hâter les premiers épinards et les jeunes carottes sans passer par une serre chauffée.

Un potager inspirant

Ludovic Vanackere apprécie d'avoir à sa disposition cet immense jardin. Lors du service, il n’est pas rare de voir le chef quitter sa cuisine pour partir à la cueillette. "La qualité et la fraîcheur sont exceptionnelles. C'est une vraie inspiration pour la créativité! Je tombe sur des choses que je n'aurais jamais eues avant, comme les fleurs, les jeunes pousses…"

"Notre but n'est pas de faire de la quantité, juste de la qualité. Si on grandit, ce sera en même temps que les artisans partenaires.
Il s'agit d'un modèle ouvert, que d'autres peuvent évidemment décider d'utiliser ailleurs…"

Ludovic Vanackere

Pour les clients des "Artisans de Bossimé", la fraîcheur est également garantie. Grâce au système de commande en ligne, les jardiniers savent exactement ce qu'ils doivent cueillir le matin pour préparer les paniers, qui seront livrés à midi...

Evidemment, le potager ne peut pas fournir à lui seul l'ensemble de la gamme des "Artisans de Bossimé". Ludovic Vanackere distribue donc également les produits d'autres producteurs qui partagent sa philosophie et s'engagent à respecter la même charte de qualité. Ils sont pour l'instant une quinzaine. "On cherchera bien sûr d'autres artisans, explique-t-il, mais on veut rester le plus local possible. En ce moment, on propose par exemple les asperges de Jurbise. C'est à 50 km d’ici, mais c'est sur la route de sa tournée quand il livre les restaurants étoilés. Et la qualité de celles-ci justifie ce petit écart"

Une conserverie et une cuisine collaborative...

A mesure de l'avancement de la réflexion, le projet des "Artisans de Bossimé" a déjà beaucoup évolué, ne cessant de gagner en ambition. Ludovic Vanackere se lancera ainsi prochainement dans la pisciculture en aquaponie, tandis qu'il a mis en place une cuisine collaborative de 300 m², où les artisans peuvent venir transformer leurs produits. L'espace intègre également une conserverie qui permet de valoriser les surplus saisonniers.
Pendant les deux jours de pic de fraises, on a par exemple fait de la confiture. Tandis qu'avec le surstock de pleurotes cultivées chez Champinam à Saint-Servais, le chef a fabriqué de la tapenade. "Cet atelier, c’est un investissement qu'ils ne pourraient pas faire seuls, commente notre guide. Grâce à cela, on ne jette plus! On fait des conserves qui se gardent trois ans. A la conserverie, on facture juste notre prestation: 40de l'heure.Tandis que les artisans peuvent aussi louer la cuisine à prix coûtant pour travailler eux-mêmes."

On le voit, Ludovic Vanackere ne manque pas d'idées pour ses "Artisans de Bossimé". Mais il ne vise pas trop haut non plus. "Notre but n'est pas de faire de la quantité, juste de la qualité. Si on grandit, ce sera en même temps que les artisans partenaires. Il s'agit d'un modèle ouvert, que d'autres peuvent évidemment décider d'utiliser ailleurs…"

Vidéos:
Johanna Pierre

Photos:
Johanna De Tessières

En pratique

Côté consommateur, "Les artisans de Bossimé" se présentent sous la forme d'un site Internet classique. Après s’être inscrit, on compose son panier de courses, que l’on pourra retirer le lendemain, de midi à minuit, dans l'un des trois points de retrait mobiles installés à Assesse, Gesves et Bossimé. Soit trois remorques réfrigérées fabriquées par le frère de Ludovic Vanackere, avec un ingénieux système de consigne. On y scanne son bon de commande et la porte d’un casier s’ouvre, donnant accès au panier de courses.
Les clients peuvent également retirer leur commande chez quelques commerçants namurois partenaires ou directement à leur boulot — deux entreprises implantées dans un zoning proche se sont déjà inscrites pour offrir ce service à leurs employés.
Cerise sur le gâteau, une épicerie vient également d'être ouverte à Bossimé pour ceux qui préfèrent ne pas faire leur marché en ligne...

Une centaine de produits

Pour l’instant, "Les artisans de Bossimé" proposent une petite centaine de produits d’une petite vingtaine de producteurs. Si Ludovic Vanackere rêve d’être autonome à terme pour les fruits et légumes avec le Jardin de Bossimé, il complète actuellement son offre (à hauteur de 20%) en faisant appel à une plate-forme de distribution bio.
Dans un premier temps, pour des raisons de logistique, viande et poisson frais sont exclus, mais le jeune chef planche déjà sur la mise en place d’une production de bars Oméga en aquaponie. Tandis que, pour les plats préparés proposés à la vente, il travaille avec l’excellent porc des prairies d’Ardenne de chez Magerotte à Nassogne (décliné, par exemple en carbonades). Et, pour le poulet, avec le label Coq des prés (une quarantaine d’éleveurs en Wallonie).
En provenance directe de l'atelier du chef, on pourra aussi goûter des soupes, des tapenades, du chocolat au pollen ou encore des chips de pommes de terre maison façon crackers.
Côté épicerie, on trouve des rillettes de canard, du Foie gras de Floumont à La Roche-en-Ardenne, le quinoa et les lentilles vertes de Graines de curieux à Havelange, les huiles Alvenat à Achêne (dont l’excellente huile de colza), les céréales Agribio de Verlée ou encore les épices du génial Rudy Smolarek à Mons.
Enfin, côté produits frais, le site propose le beurre et les yaourts de la Ferme du Sacré-Coeur à Natoye, les oeufs de la ferme Lehaire à Assesse, mais aussi les fromages au lait cru de la Fromagerie du Samson à Gesves et les chèvres des Caprices de Louise à Liernu.

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Rens.:https://www.artisans-de-bossime.be.
Pour découvrir de nombreux autres producteurs locaux, rendez-vous sur le site lecliclocal.be développé par l’Apaq-w.