Les mutliples vies du mobilier

©Jean-Christophe Guillaume

©Jean-Christophe Guillaume

Le bois, Mathy by Bols l'envisage comme une matière durable et renouvelable. Les artisans en font du mobilier qui grandit avec l'enfant.
Son fondateur nous fait visiter les ateliers et nous explique sa vision de l'eco-conception.

Reportage 

Valentine Van Vyve

Une odeur de bois emplit l'immense atelier de production. Epicéa, chêne, hêtre... s'étalent et s'empilent à perte de vue sur de hautes étagères. Derrière son établi, Joël s'applique à corriger les petites imperfections du matériau. Entre ses mains expertes, une planche de sapin blanc sera bientôt transformée en porte de cabane. Pas de celles que l'ont accroche aux arbres, non. Dans cet atelier hennuyer, on fabrique du mobilier pour enfant. Et le « lit créatif », c'est le best-seller de Mathy by Bols. Il en sort 100 à 200 exemplaires par quinzaine.

Fabriqués de manière artisanale depuis plus de trente ans, les produits sont, chacun, passés par les mains d'une vingtaine d'ouvriers (sur les trente que compte l'entreprise). Découpe, ponçage, assemblage, peinture, emballage, livraison... Toute la chaîne de production est assumée par l'entreprise wallonne.

« Le bois, matière première durable et renouvelable ».
Une affiche punaisée à côté de l'entrée de l'atelier.

Cette phrase résume bien les lignes directrices de l'entreprise. Ici, le bois est une évidence. Chaque opération est guidée par le souci d'être « efficace et rationnel », raconte Jean-Marie Bols. Et cela, ça passe « logiquement » par l'application d'un système circulaire de production, parce qu'il est avant tout avantageux économiquement, avance le fondateur de l'entreprise. « L'économie circulaire, on s'y est toujours inscrits... sans le savoir. Cela tient plus d'un mode de vie que d'un choix délibéré », admet Jean-Marie Bols.

« L'économie circulaire, donc le fait de repenser nos modes de production et de consommation afin d'optimiser l'utilisation des ressources et de limiter nos déchets, c'est tout simplement la meilleure manière de gérer les matières. »
Jean-Marie Bols

Celles-ci sont d'abord valorisées par des artisans polyvalents. « Nous n'avions initialement pas de richesses exceptées nos mains et nos têtes », plaisante-t-il.

Eco-conception et eco-design

Ces artisans suivent une démarche d’éco-conception qui prend en compte la protection de l'environnement lors de la phase de fabrication: on conçoit un produit pour qu'il soit intégré dans une boucle sur le long terme. Mathy by Bols a, par exemple, choisi du bois massif, résistant sur le long terme et potentiellement revalorisable en bois de chauffage.

La notion d'éco-design intervient au moment de la conception du produit pour rendre ce dernier davantage compatible encore à une économie circulaire : il est pensé pour être adapté à la demande, aux besoins et aux usages actuels et futurs. En plus de fabriquer du mobilier respectueux de l'environnement, on étudie la fonction du produit afin d'anticiper ses vies successives, ce qui permet d’en augmenter la durabilité. 

« Le meilleur déchet est celui qui n'en est pas un. »
Jean-Marie Bols

Mathy by Bols a souhaité développer un modèle innovant qui fasse en sorte que le mobilier ne devienne pas un déchet, mais qu'il puisse évoluer avec son usager. Dans cet ordre d'idées, le mobilier se doit d'être « solide, durable et évolutif », résume Jean-Marie Bols.

Des meubles évolutifs

Le mobilier évolutif est adapté aux besoins de l'enfant au cours de son développement.

« Il suit l'enfant depuis son plus jeune âge et grandit avec lui. »
Jean-Marie Bols

Un lit qui suggère une voiture peut prendre des allures de baldaquin. En y ajoutant un module, celui-ci se dédouble et devient superposé. Les déclinaisons sont plurielles. Il répond ainsi aux besoins et aux usages sur un temps long. Le mobilier est complété plutôt que d'être remplacé. Cela limite les déchets. Ainsi, « la fonction même du produit permet de limiter son impact sur l'environnement ».

Explorer sa chambre et puis le monde

Dans cette logique, Jean-Marie Bols et ses designers ont imaginé un concept qui soit en adéquation avec un système pédagogique : la pédagogie active Montessori « pousse l'enfant à apprendre par lui-même et à partir à la découverte de son environnement », explique Jean-Marie Bols. « La découverte du monde commence par celle de sa chambre ». Cette pédagogie « permet d'envisager de nouveaux usages et donc de nouveaux designs ».

« La confection et la conception du mobilier viennent faciliter l'application de cette méthodologie d'apprentissage à la maison de telle sorte que les parents et les enfants puissent la transposer chez eux. »
Un exemple ? Les lits à barreaux sont remplacés par des modèles ouverts et proches du sol, les étagères sont accessibles,... « Cela encourage l'autonomie », souligne Jean-Marie Bols, qui voit dans le développement de ces produits une réponse à une demande en hausse.

Gestion des déchets

Ce qui n'est pas utilisable pour la confection de son mobilier, Jean-Marie Bols le valorise en combustible de chauffage. « Notre chaudière à mazout n'a pas été allumée depuis 2 ans », pointe-t-il d'ailleurs. Ici, les copeaux, poussières et chuttes de bois sont stockés et brûlés pour chauffer les 4 000 m2 d'atelier.

Les déchets sont par ailleurs limités par les faibles volumes produits et par un stock - uniquement en pièces détachées - limité à 20 % de la superficie du lieu.

Destiné à des revendeurs, les pièces de mobilier sont pour la majeure partie vendues en Belgique et en France. Mais les sirènes de l'international - et les perspectives d'un marché bien plus étendu - appellent de plus en plus Jean-Marie Bols.
Le transport lié à l'exportation vers l'Asie vient cependant quelque peu affecter l'intégration des produits dans un système d'économie circulaire qui vise à limiter autant que faire se peut leur impact environnemental. « Mais vu l'étroitesse du marché wallon, c'est indispensable pour survivre », ponctue l'entrepreneur.

Vidéo : Valentine Van Vyve
Photos : Jean-Christophe Guillaume

Comment rendre l’économie wallonne plus “circulaire” ?

En janvier dernier, Jean-Marie Bols était invité à s'exprimer lors d'une table ronde organisée au Parlement wallon, en partenariat avec la Fondation Roi Baudouin. Il était question de faire se rencontrer des acteurs de l'économie circulaire, actifs dans différents secteurs, et d'enrichir le travail des députés à ce sujet, entamés en mai 2018.

En est ressorti un rapport dense de près de 200 pages. Les auteurs y dressent un panorama de la situation actuelle ainsi que des perspectives potentielles. Une série de recommandations, établies selon cinq axes, ont également été émises dans la perspective de la prochaine législature. Ces mesures doivent faciliter l’émergence de l’offre, mais aussi stimuler la demande.