Avec Coopeos,
une chaleur durable
et citoyenne
Le secteur de l’économie sociale a le vent en poupe et se déploie dans des domaines de plus en plus variés.
A Céroux-Mousty, l'Ecole Notre-Dame dispose désormais d'une nouvelle chaudière à bois grâce au partenariat conclu avec la coopérative citoyenne Coopeos.
Reportage
Les cours ont débuté et il règne un silence studieux dans les couloirs de l'Ecole Notre-Dame de Céroux-Mousty. Installés dans leurs classes, les 400 élèves de primaire et de maternelle profitent d'une douce chaleur qui tranche avec la météo frisquette de ce début février.
Depuis le mois de novembre, l'établissement a dit adieu à sa vieille chaudière au mazout. Âgée d'une trentaine d'années, l'installation arrivait en bout de course. Situé juste à côté d'un petit réfectoire, le local de chauffage abrite désormais une chaudière au bois ultramoderne. Un équipement qui, s'il est très répandu dans des pays comme l'Autriche ou l'Allemagne, reste encore peu commun en Belgique.
Le choix de ce système de chauffage ne s'est pas fait par hasard. « Le Pouvoir organisateur de l'école avait la volonté de se tourner vers quelque chose de beaucoup plus écologique que le mazout, avec une empreinte carbone réduite », explique le directeur, Marc Pagnoulle. Une décision qui a un prix puisque ce genre d'installation demande, dans un premier temps, un investissement deux à trois fois plus important que pour une chaudière classique.
Aider les collectivités à se libérer
des énergies fossiles
Pour mener à bien cette opération, l'école a donc lancé un appel d'offres au terme duquel elle a retenu la formule originale proposée par la coopérative citoyenne Coopeos. Lancée fin 2015, celle-ci s'est donnée pour objectif de rendre accessible l'installation de chaudières de ce type aux collectivités (écoles, bâtiments communaux, homes pour personnes âgées, entreprises, piscine…). Un domaine d'action précis qui s'inscrit dans une stratégie bien plus large.
100 000 – Depuis sa création en décembre 2015, les chaudières installées par Coopeos ont permis de substituer l'équivalent de 100 000 litres de mazout par an par des déchets de bois. Quelque 215 tonnes de CO2 – soit 827 000 km parcourus en voiture – ont ainsi été évités chaque année, souligne la coopérative. Pour 2019, celle-ci a placé la barre à 500 000 litres de mazout.
« Notre ambition, est vraiment de contribuer à bâtir une économie locale et circulaire , explique Françoise Goethals, qui assure la communication de la coopérative. A côté de l'installation de la chaudière à proprement parler, nous avons mis sur pied un circuit de valorisation des déchets de bois locaux en partenariat avec trois entreprises de travail adapté, le Moulin de la Hunelle à Chièvres, la Ferme nos Pilifs et la Serre-Outil à Bruxelles. On a monté une plate-forme qui récupère les résidus de bois issus de leurs activités d'entretien des parcs et jardins. On les broie, on crible le tout pour séparer les poussières, avant de sécher naturellement les plaquettes qui sont ensuite utilisées pour alimenter les chaudières. Auparavant, ces entreprises devaient payer 70 €/ tonne pour évacuer les énormes quantités de bois qu'elles collectent. Notre vision, c'est d'avoir une cinquantaine de plates-formes de transformation de ce type dans dix ans en Wallonie. »
Enfin, pour que la boucle soit bouclée, Coopeos accompagne ces installations par un travail de sensibilisation à tous les enjeux du développement durable, avec l'appui de partenaires comme les facilitateurs énergie et d'autres associations.
Une formule de tiers investisseur
« On vend un service énergétique global, pas seulement une chaudière et du bois », résume Paul Dubois, administrateur de la coopérative en charge des projets techniques. Un pack complet qui s'accompagne d'un mécanisme de financement attrayant.
« Comme la chaudière au bois est plus chère à l'achat, nous avons élaboré une offre pour lever les freins qui empêchent les clients de passer à ce mode de chauffage. Nous proposons un système de tiers-investisseur. Le remboursement a été calculé sur la consommation actuelle de l'école. Il s'étalera sur quinze ans et elle ne paiera donc pas plus cher que ce qu'elle payait pour son mazout. Nous nous occupons également de l'approvisionnement de l'installation en assumant les éventuelles fluctuations du prix du bois. De plus, nous assurons un service de maintenance et d'entretien durant ces quinze années, via notamment un monitoring à distance », décrit notre interlocuteur.
Le coût global est ainsi lissé et amorti grâce aux économies réalisées sur le combustible, le bois étant grosso modo 50 % moins cher que les énergies fossiles. « Au bout de 15 ans, notre formule revient beaucoup moins cher ».
De marque autrichienne, le matériel proposé est de qualité et éprouvé. « En atteignant une température de combustion de 1000 degrés, ces chaudières permettent d'avoir très peu de cendres et d'émissions de particules », précise-t-il encore.
Impliquer les citoyens
Coopeos compte aujourd'hui 154 coopérateurs et emploie sept personnes à temps partiel, sous statut d'indépendant. Le choix de la structure coopérative reflète également la volonté de ses fondateurs. « C'est un modèle d'entreprise qui repose sur une dynamique citoyenne où on ne cherche pas juste à faire du profit pour le profit. La redistribution des dividendes est limitée et elle repose sur une gouvernance bien plus horizontale où un coopérateur égale une voix », commente Françoise Goethals.
Un souci de l'intérêt collectif qui, s'il n'est pas le seul facteur, explique aussi le choix de cibler des projets ayant un impact plus large qu'une simple chaudière pour particulier.
Pour chaque dossier, Coopeos essaie également qu'une partie du financement se fasse sur une base participative, en proposant par exemple aux parents de l'Ecole Notre-Dame de rejoindre la coopérative. Disposant à ce jour d'un capital de 500 000 euros, elle vient de lancer une formule d'obligations sur 15 ans qui a obtenu le label Fairfin. « Elles sont rémunérées à un taux brut de 3 %. C'est un peu plus cher que si nous allions dans une banque, mais c'est un choix de notre part », souligne M. Dubois.
« Notre formule de chaudière au bois, c'est 90 % de CO2 en moins qu'avec des énergies fossiles, quatre fois plus d'emplois locaux et un projet commun porteur de sens qui inclut la participation citoyenne . »
Si plusieurs réalisations importantes sont inscrites dans l'agenda de Coopeos pour 2019, « l'inertie des marchés publics » reste aujourd'hui le principal obstacle au déploiement à grande échelle de ce genre de projets, estime M. Dubois. Les procédures sont lourdes donc même les responsables d'école ou communaux hésitent à s'y lancer. « La bête règle du 'moins disant' fait en sorte qu'aujourd'hui le facteur prix compte encore très lourdement dans le choix. Il faudrait que l'on prenne davantage la valeur globale du projet dans toutes ses dimensions dans les critères d'analyse des offres: la valorisation de l'économie sociale, la sensibilisation des citoyens... »
En septembre dernier, l’école Notre-Dame a ainsi été récompensée dans le cadre du « Prix du marché public le plus responsable » de Wallonie pour les critères retenus dans son cahier des charges intégrant « les différentes composantes du développement durable ».
L'économie sociale s'offre une nouvelle vitrine
L'économie sociale a le vent en poupe ces dernières années. De plus en plus d'entrepreneurs souhaitent en effet que leur projet soit porteur de sens et intègre des valeurs sociales et environnementales. Elle représente aujourd'hui un emploi sur huit en Belgique et connaît une croissance continue, avance ConcertES, la plate-forme de concertation des organisations des entreprises d'économie sociale.
Un nouveau portail web (www.economiesociale.be) vient de voir le jour afin d'offrir davantage de visibilité et de lisibilité à cette forme d'entrepreneuriat. Très ergonomique, cette vitrine rassemble toutes les informations utiles à ceux qui souhaitent s'inscrire dans cette démarche, mais aussi aux consommateurs ou aux investisseurs. Outre des outils permettant de se lancer (la formation à la gestion, par exemple), des appels à projets, des offres d'emplois et diverses ressources utiles, elle propose un annuaire recensant les 2500 entreprises sociales existantes.
Pour compléter le tout, le site s'accompagne d'un magazine en ligne baptisé « Transfo » qui couvre l'actualité du secteur et va à la rencontre de ses acteurs.
Opération « Zéro Watt »
Après quelques mois de fonctionnement, le directeur de l'école affiche pour sa part sa satisfaction. « Il reste quelques petits réglages à affiner, ce dont s'occupe Coopeos, mais à part cela tout fonctionne très bien. C'est une technologie qui me semble à la pointe et bien maîtrisée. Par la suite, je pourrai gérer moi-même le chauffage depuis mon smartphone en fonction des activités qui ont lieu dans l'école », explique Marc Pagnoulle, pour qui le seul bémol porte sur le remplissage du silo qui génère un peu de poussières et de bruit.
10 000 litres. La consommation de mazout de l'Ecole Notre-Dame avant l'installation de la chaudière au bois. En quinze ans, celle-ci lui permettra d'éviter l'émission de 688 tonnes de CO2. Une fois l'installation amortie, elle économisera 50 % sur sa facture de chauffage.
Le fait de ne plus avoir à se préoccuper des entretiens ou de l'alimentation en combustible est aussi un vrai confort, complète Marc Pagnoulle, tout comme la garantie d'éviter les mauvaises surprises budgétaires puisqu'il ne faut plus se soucier des variations de prix de celui-ci.
L'installation de la chaudière a également été l'occasion de mettre sur pied un travail pédagogique de fond. Dans le cadre du projet « Zéro Watt » piloté par une classe de 5e primaire, les élèves ont mesuré toutes les consommations d'énergie – tant l'électricité que le chauffage – des différents bâtiments de l'école. L'opportunité pour eux de voir où se situent les gaspillages et les solutions qu'il est possible d'y apporter, mais aussi de faire de la sensibilisation auprès des élèves des autres classes, des enseignants et… des parents. « Nous sommes avec les adultes de demain. C'est important de les sensibiliser à ces questions », conclut le directeur.
Vidéos : Christel Lerebourg
Photos : Marie Russillo
La nouvelle chaudière a aussi été l'occasion de lancer un projet pédagogique sur les enjeux d'une consommation d'énergie durable, explique le directeur Marc Pagnoulle.
La nouvelle chaudière a aussi été l'occasion de lancer un projet pédagogique sur les enjeux d'une consommation d'énergie durable, explique le directeur Marc Pagnoulle.