"Singa Blabla",
le rendez-vous des passagers
du monde

©Jean-Luc Flémal

©Jean-Luc Flémal

Singa est une association qui vise à créer du lien entre les nouveaux arrivants et les locaux d’un pays d'accueil.
Depuis plus d’un an, à Bruxelles, des soirées de rencontre sont organisées : les "Singa Blabla".

Reportage 

Lauranne Garitte

Ce lundi soir, quelques passants poussent la porte d’une sorte de hangar vivant baptisé La Serre, à Ixelles. Derrière les portes de cet ancien parking couvert réhabilité en espace de rencontre, des chaises sont regroupées autour de tables, une table de ping-pong improvisée attend les joueurs, des petits mets à grignoter attendent les gourmands...
Au milieu de tout cela, des personnes venant de tous les horizons qui discutent avec enthousiasme. Il y a Adam, jeune Soudanais arrivé en Belgique il y a un an, qui installe des chaises consciencieusement. Il y a Godshie, une dame un peu plus âgée, originaire du Ghana, qui prépare le bar en chantonnant. Et puis, il y a Victoria, l’organisatrice de la soirée. Ce soir, c’est elle la cheffe d’orchestre.

« Tous les lundis soirs, c’est Singa blabla, un rendez-vous hebdomadaire de la communauté Singa où l’on se retrouve pour jouer à des jeux, discuter, improviser des animations ».
Victoria, organisatrice de la soirée

Une société riche de ses diversités

Singa est un espace de rencontre, d’échange et de collaboration entre les nouveaux arrivants (demandeurs d’asile, réfugiés, expatriés, etc.) et les locaux. C’est une communauté de professionnels, d’entrepreneurs, d’artistes, de sportifs, d’étudiants locaux ou non qui se rassemblent autour de mêmes intérêts, pour faire ensemble ce qui les passionne.

« Singa est née d’un constat, explique Chloé Overlau, cofondatrice du projet en Belgique, il est souvent difficile pour des nouveaux arrivants, de rencontrer des habitants de la ville d’accueil et de participer de manière active à la vie citoyenne. Or, c’est au contact de citoyens qu’on apprend une langue, qu’on découvre un environnement culturel, qu’on se met à pratiquer des loisirs locaux ou encore qu’on crée des opportunités professionnelles. L’objectif est ainsi de construire une société riche de ses diversités où chacun, quelle que soit son origine, peut réaliser pleinement son potentiel. »

Une ambiance conviviale

A l’entrée, Frédéric, un habitué, accueille les participants en leur collant une étiquette avec leur prénom sur le buste. Ensuite, pour ceux qui viennent pour la première fois, Victoria fait les présentations en anglais, en français, parfois même avec quelques mots d’arabe. Et l’ambiance conviviale fait le reste... Passé 18 heures, Victoria prend la parole devant la cinquantaine de participants : « Qui veut animer un atelier ce soir ? ». Tout le monde peut animer, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs. Ce soir, ce sera UNO avec Marielle, Dobble (un autre jeu de société) avec Louise, tournoi de ping-pong avec Mohammed et Louise, table de conversation avec Ilias, et création de poèmes en musique avec un duo de passionnées.

Sur le même pied d’égalité

Parmi les habitués, il y a Salim, jeune étudiant en informatique. Venu initialement pour participer aux séances de course à pied, il est devenu coordinateur : « J’aime bien venir après mes cours. Maintenant je connais tout le monde, donc c’est chouette de venir aider l’équipe tous les lundis. »

A la table du UNO, Marcel, un Béninois arrivé il y a un an en Belgique, joue notamment avec Marielle, Belge et animatrice de la table. « Mon rôle, ce soir est de m’assurer que tout le monde participe bien, que les gens connaissent les règles, qu’on triche un peu mais pas trop, et que tout le monde s’amuse et se sente intégré », témoigne-t-elle, un sourire aux lèvres.

« Ici, on rencontre des primo-arrivants en étant sur le même pied d’égalité. Les jeux de société sont parfaits pour cela. Je me suis fait des amis que je n’aurais pas pu connaître autrement que via Singa. »
Marielle

Pour Marcel, qui organise aussi des entraînements de football le samedi avec Singa, « il y a une vraie joie de vivre aux Singa Blabla. Le lundi, c’est le début de la semaine, on est stressés. Et puis on vient se détendre en retrouvant nos amis ici. »

Se sentir « Comme A La Maison »

Initialement, Singa est née en France en 2012. « Singa » signifie « lien » en lingala, la langue de la République Démocratique du Congo. Aujourd’hui, l’association est active dans 8 pays différents avec plus de 30 000 membres.

A côté du pôle « activités » de Singa, il y a un pôle « logement ». Ces deux branches sont autant de moyens de participer à l'inclusion des nouveaux arrivants dans leur société d'accueil.

Sous le nom « CALM » pour « Comme A La Maison », le programme axé autour du logement vise à mettre en relation des personnes réfugiées et des ménages bruxellois ayant une chambre libre pour une période de trois à neuf mois. Quand les personnes réfugiées obtiennent leur statut en Belgique, elles n’ont que deux à quatre mois pour quitter leur centre d’accueil. Un laps de temps très court quand on ne connaît pas la langue, la culture, le marché immobilier ni même la ville. CALM se présente comme un tremplin pour un nouveau départ. Le même programme existe en France depuis 2015 et a déjà accueilli 530 personnes réfugiées.

Inspiration commune

Alors que ça rigole, que ça parle anglais, français, arabe, néerlandais sur les tables de jeux de société, dans un coin de la pièce, quelques personnes sont agglutinées devant un tableau sur lequel l’inspiration va bon train, en vue d’écrire un poème chanté. « Deux mots me viennent en tête », lance une jeune femme africaine, « diversité et vivre ensemble ». Sara s’empare de son ukulélé et s’essaie à quelques accords. Un anglophone ajoute :

« We all have beating hearts and everyone can love ».

Le poème se construit petit à petit. A côté du tournoi de ping-pong, un jeu de l’oie invite à pratiquer le français : « Décris-moi ta chambre ! Quels sont tes projets d’avenir ? Parle-moi de ta famille ». C’est aussi au travers ces tables de conversation que des liens se créent, que des amitiés se tissent.

En fin de soirée, nous faisons la connaissance d’Amy, Anglaise : « Je voulais faire quelque chose pour aider les gens qui arrivent en ville. Moi-même j’ai débarqué ici, et j’ai eu beaucoup de chance car j’ai été chaleureusement accueillie et entourée. Je voulais donner cette chance à d’autres nouveaux arrivants. »

Pour elle qui n’a pas sa famille près d’elle, « Singa est une grande famille ! » Une grande famille qui chante ce soir un poème plein d’espoir invitant à se donner la main et à répandre l’amour et la chance autour de nous… Car après tout, nous sommes tous égaux, mais pas traités de manière égale…

Vidéos : Valentine Van Vyve
Photos : Jean-Luc Flémal