Wrapi,
l'emballage emballant

Sacs, cosmétiques, produits d'hygiène... Les alternatives aux produits jetables sont de plus en plus accessibles. Mais par quoi remplacer la feuille d'aluminium ou le film plastique qui recouvre vos aliments et sert de couvercle de protection sur un plat ?
Wrapi pourrait mettre fin à ce règne sans partage. Made in Wallonie !

Reportage 

Valentine Van Vyve

Il faut traverser un vaste entrepôt où se disputent travaux en électronique et en ferronnerie. Une fourmilière sans bruit. Ici, on chuchote. On se salue au passage. Après avoir parcouru un dédale de couloirs, on pousse une dernière porte. Elle débouche sur une pièce accueillant une ligne de production particulière.

D'un côté de celle-ci, Christine applique au pinceau un mélange brunâtre sur des morceaux de tissu colorés, de forme hexagonale et de taille variable. Suite à quoi elle les pose les uns près des autres sur un plan de travail. Didier s'en saisit alors, un à un, coupe les fils qui dépassent et peaufine ce travail de confection.

Chaque pièce est un produit fini. Un Wrapi. Réalisé à partir d'un tissu ecotex (sans métaux lourds) qui, une fois coupé, lavé, repassé, enduit de cire d’abeille, de résine et d'huile de jojoba, constitue une alternative au film alimentaire ou à l'aluminium.

« La caractéristique, c'est d'être spontanément auto-collant : juste avec la chaleur des mains, il colle à l'aliment – un bout de concombre, un morceau de fromage... et s’auto-colle à lui-même », faisant ainsi office de couvercle isolant.
Alyne François, cofondatrice de Wrapi

Ce produit arrive à point nommé, mais il a été pensé « longtemps avant  l’arrivée de la vague », celle de la prise de conscience de la responsabilité de chacun dans la limitation des déchets.

Puisqu'il n'existait pas, il fallait l'inventer

Si Alyne et François sont un peu des apprentis sorciers, qui aiment s'informer, se renseigner et expérimenter, l'avènement de Wrapi ne s'est pas fait au hasard d'un heureux mélange. C'est une recette qui a mijoté pendant de longues années, au départ d'une réflexion familiale sur l'éco-consommation entamée il y a dix ans déjà et à laquelle s'est ajoutée, assez logiquement, la pratique du zéro déchet. « On s’est demandé pour quelle raison les sacs réutilisables qu’on nous propose viennent du Bangladesh », se remémore Alyne. Pourtant, « il y a bien des Belges capables de coudre, non ? »

Elle se met alors au défi de recenser les produits d'artisanat belges alternatifs au jetable et d'en faire la promotion via une plate-forme de vente en ligne. Sac, cotons démaquillant, shampoing... On y trouve une large de gamme de produits qui permettent de limiter les déchets domestiques. « Dans l’inventaire, je n’avais pas trouvé d’alternative belge à l’emballage en aluminium ou au film plastique. Il y avait bien des initiatives en Thaïlande, au Canada et aux USA, mais tout importer n’avait aucun sens », commente-t-elle. Son mari, François, lance alors l'idée de fabriquer eux-mêmes ce produit qui manque « pour avoir une offre complète ».

« Cela fait partie d’un tout, d’une démarche de famille, j’ai créé mes ateliers puis le magasin en ligne et comme il manquait un produit, on l’a créé ! »
Alyne François

Elle est agronome (option environnement, compétence dont « tous les recruteurs se fichaient il y a 15 ans ! »), lui informaticien. Tous les deux sont « touche-à-tout » et ont une forte propension à relever les défis, davantage encore lorsqu'ils vont dans le sens d'un plus grand respect de la planète. « On s’est mis devant les recettes et les tutoriels. On a fait des essais dans notre cuisine, puis nous avons installé une unité de production à la maison. Les premiers retours étaient bons ». Ils continueront à ensuite « faire évoluer la recette par essais et erreurs ». Pour parvenir à un mélange manifestement satisfaisant.

« On a commencé avec de la cire d'abeille uniquement, ce qui était déjà bien connu dans le domaine pour ses différentes propriétés. Mais le résultat ne nous plaisait pas tellement. On cherchait quelque chose de plus imperméable, adhésif et souple. On a finalement trouvé une résine compatible avec l'alimentation et qui est bio », résume Alyne.

Les premières ventes ont lieu en août 2017. En décembre de cette année-là, Wrapi se vendait dans deux magasins. « Un an plus tard, on en a écoulé 10 000 pièces et nous sommes présents dans 40 points de vente, majoritairement en Wallonie, 4 ou 5 à Bruxelles et une douzaine en France », se réjouit la jeune entrepreneuse, surprise par une telle demande. « C'est vrai qu'il y a ces derniers temps un vrai engouement autour du zéro déchets, constate celle qui donne des ateliers sur cette démarche. Si c’est une mode, elle fait du bien, au moins ! » A la planète, mais aussi à l'entreprise qu'ils ont créée.

« On n’a pas fondé notre entreprise en se disant qu’il y avait là un marché où se faire un maximum d'argent ! », soulève Alyne, dont Wrapi est devenu, par la force des choses, la principale activité professionnelle. « Ce n’est pas juste une opportunité de marché, même celui-ci existe et c’est tant mieux. »

Aujourd'hui, environ un millier de pièces sortent hebdomadairement de l'atelier de production. « Ce chiffre, à l'instar du certificat d’authentification emballage alimentaire nous sort petit à petit du cadre artisanal », commente encore Alyne.
S'il s'épuise au bout de 50 à 100 utilisations, en fin de vie, il peut être ré-enduit de cire d'abeille (il perdra certaines de ses qualités propres au mélange « Wrapi ») ou pourra encore être découpé en lanières et servir d'allume-feu.

Ajouter un objet social

Après une année d'activité, Alyne et François « croulent sous les demandes ». Le petit atelier à domicile ne permet plus de satisfaire les commandes sans allonger à outrance les délais de livraison. « On s’est demandé si on engagerait quelqu’un mais c’était un peu risqué vu la fluctuation de la charge de travail. Et puis l’atelier chez nous n’est pas adapté pour recevoir quelqu’un », se souvient Alyne. Après réflexion, le couple a choisi de se tourner vers Entranam, une entreprise de travail adapté située à proximité de son domicile.

« Travailler avec une entreprise de travail adapté, c'est ajouter au projet un objet social en donnant une opportunité d'emploi à des personnes porteuses de handicap. »
Alyne François

Depuis le mois de septembre, ce sont désormais Christine et Didier qui se chargent de « l'enduisage ». D'ailleurs, c'est Didier qui a entre ses mains la « botte secrète » de Wrapi. L'étape qui fait la différence et qui permet de distinguer le produit parmi d'autres. Celle qui lui donne sa texture lisse. « une sacrée responsabilité », sourit Alyne.

« Ils ont eu une demi-journée de formation et ont commencé par un demi-jour par semaine. Maintenant, on est à un équivalent temps-plein », commente Marc Fauville. « On avait besoin de deux personnes pour se répartir des tâches qui demandent une certaine agilité mais aussi de pouvoir travailler de façon indépendante », souligne le chef d'atelier, qui ne vient les superviser que sporadiquement.

Christine et Didier ont été choisis pour ce travail, et ne le regrettent pas le moins du monde. «Je travaille debout et cela change de la position assise. Ca fait du bien », entame Christine, les yeux rivés sur l'épais mélange. Didier y voit une manière de « participer à sauver le monde », dit-il. « Les jeunes sortent dans les rues. Moi, c'est grâce à vous que je peux apporter ma contribution », dit-il à l'adresse d'Alyne.

« Le plus grand atout d'une telle tâche, c'est de fabriquer un produit fini, de voir le résultat et l'utilité de son travail. Ce n’est pas souvent le cas dans l’entreprise. Cela donne de la motivation, du sens et est extrêmement valorisant. »
Marc Fauville, chef d'atelier

Quelque 200 personnes travaillent dans ces vastes ateliers namurois. Electronique, connectique, conditionnement, conditionnement alimentaire, menuiserie et ferronnerie... Les postes de travail répartis sous les hauts plafonds sont variés et les employés sont amenés à bouger de l'un à l'autre. « La capacité de main-d’œuvre apporte de la flexibilité », souligne Marc Fauville. Une « polyvalence » qui a d'ailleurs « beaucoup plu » à Alyne. Elle permettra, le cas échéant, d'absorber de plus grandes charges de travail. « Au cas où nous grandirions, c'est un élément important », souligne-t-elle.
Pour l'heure, les fondateurs de Wrapi souhaitent y localiser l'emballage de leurs produits. Une étape fastidieuse et énergivore qui permettrait à Alyne et François de s'impliquer davantage dans le pôle Recherche et développement, « indispensable si l'on veut continuer à répondre aux besoins des consommateurs ». Et à s'inscrire dans l'air du temps. Ou a le devancer.

Vidéos et Photos : Valentine Van Vyve

Des pailles en bambou

Inspire vous avait déjà parlé de l'initiative What About Waste lancée par deux jeunes femmes pour offrir une alternative aux pailles en plastique.

Quelques mois plus tard, on ne peut que se réjouir de constater que les démarches dans ce sens se multiplient. C'est notamment le cas à l’Athénée Royal Jean Absil d'Etterbeek, où sept jeunes élèves de rhéto viennent de lancer une mini-entreprise baptisée Strawboo.

Pour remplacer les pailles en plastique à usage unique, Strawboo propose une alternative en... bambou. Celles-ci proviennent de Bali et sont commandées directement à une entreprise française qui les fabrique à la main et sans produit chimique. « Le fait que celles-ci sont importées de Bali peut sembler en contradiction avec notre projet, mais il est très difficile de trouver du bambou adapté à la réalisation des pailles en Belgique », expliquent les jeunes entrepreneurs. Elles compensent cet inconvénient en étant 100 % naturelles, biodégradables et réutilisables, avancent-ils.
Pour aller au bout de leur démarche, les jeunes fondateurs de Strawboo ont en outre choisi de verser la majeure partie de leurs bénéfices à l'association Sea First Foundation qui lutte pour la protection des océans.

Le bambou n'étant pas un matériau standardisé, les pailles proposées ont une longueur de 20 cm pour un diamètre qui varie entre 0,5 et 1,1cm. Le pack de 4 pièces est vendu 13€ et inclus une petite brosse pour les nettoyer. Elles peuvent également aller au lave-vaisselle.