Créer
son potager
sur mesure
Nul besoin d'être spécialiste du maraîchage pour faire pousser vos légumes. Un peu d'anticipation à l'automne vous permet d'avoir la main verte le printemps venu.
Pour autant que vous fassiez attention à ce moment clé : l'hivernage de votre potager.
Reportage
Les branches des hauts arbres se balancent au rythme du vent, faisant tomber leurs feuilles jaunies en ce début d'automne. Au pied de ces vénérables centenaires enracinés dans cette commune du Brabant wallon, des plantes et quelques légumes semblent pousser un peu anarchiquement.
Mais « c'est un désordre organisé », aime dire Stéphanie de Theux, tout en retournant la terre de ce potager créé et géré selon les principes de la permaculture.
Jeux de hasard
« Je n'y connaissais rien. Je n'ai pas baigné dans le monde agricole. C'est à force de lectures et de formations que j'ai compris que tout s'expliquait. Et que je pourrais donc réussir, moi aussi, raconte notre guide. J'ai appris de mes erreurs. Si ça a fonctionné pour moi, d'autres aussi peuvent le faire ! »
Tout comme la permaculture donne lieu à « d'heureuses coïncidences », c’est par la force du hasard, qui a mis un espace potager à sa disposition, que cette économiste a lancé « Montjardin » afin de former et d'accompagner des particuliers dans la conception, le design et la création de leur « jardin potager ».
«Nous sommes de plus en plus nombreux à nous soucier de notre santé, de notre alimentation, de notre bien-être, de l’environnement, de l’épuisement des sols et à désirer participer à la transition.»
Depuis quelques années donc, cette mère de famille s'est muée en enseignante. Ses formations, qui allient théorie et pratique, sont données depuis une grange à moitié ouverte aux abords de son potager. « En huit séances, on couvre le cycle complet d'une saison au potager : de l'évolution des premiers semis en passant par la grosse production jusqu'à l'hivernage. Avec cette question centralre : comment prépare-t-on et entretient-on son sol pour qu'y poussent des légumes toute la saison ? », détaille-t-elle.
« L'objectif est de démontrer que c'est à la portée de tout le monde, que c'est excessivement facile et qu'il y a une solution à tout. »
Viennent ici des personnes qui ont un potager mais n'en sont pas satisfaites ou d'autres qui ont besoin d'un coup de pouce pour se lancer. « Mon but est alors de casser leurs peurs et de démystifier l'activité », explique Stéphanie de Theux. Elle-même a dû « vaincre sa peur de ne pas y arriver. D'autant plus que lorsque j'ai commencé, je travaillais beaucoup, j'avais l'impression que ce monde était inaccessible, pas pour moi », explique-t-elle.
C’est également le cas d’Albena Walckiers. « Je n'avais jamais fait de potager, raconte l'élève. J'ai trois enfants et je voulais qu'ils aient accès facilement à de la nourriture saine, de qualité, sans produits chimiques ». Elle se lance alors. Le cycle de formations lui a permis de « prendre confiance » et de mettre les mains dans la terre pour un potager qu'elle souhaite « au plus proche de la nature ». Sans fioriture. Les quatre bandes de terre recouvertes, en ce mois d'octobre, par les quelques derniers légumes et fleurs comestibles, ne détonnent effectivement pas dans le paysage. «Le côté esthétique de ces jardins potagers est aussi pris en compte », commente d’ailleurs Stéphanie de Theux.
Hiverner avant d'hiberner
« Avec la permaculture, si un sol est bon, riche et équilibré, il donnera des légumes sans que l'on doive trop intervenir », insiste la formatrice tout en retournant la terre à l’aide d’une grelinette. La nature gère pour l'humain. Mais un sol, tout de même, cela se prépare... « On n'a jamais une mauvaise terre », assure Stéphanie de Theux. À l'entendre, le tout serait d'être capable de s'en servir. « Si vous partez en vacances l'été prochain, c'est maintenant que vous réservez ! La même anticipation s'applique au potager », explique-t-elle.
Il n'y aurait donc nul besoin d'être un grand spécialiste du maraîchage pour faire pousser ses légumes. Un peu d'anticipation à l'automne permet d'avoir la main verte au printemps, dit-elle en substance. Car bien préparer sa terre avant l'hiver est un gage de réussite en vue des récoltes de l'année suivante.
« L'hivernage, c'est le moment stratégique trop souvent ignoré. »
Cette étape consiste à réparer et préparer le sol : l'aérer puis le nourrir avec ce dont il a besoin en fonction de ce qui a été et sera par la suite planté. « Certains légumes, comme les courgettes, sont très exigeants. La terre doit être particulièrement nourrie pour accueillir de nouvelles cultures, moins énergivores, au printemps », prévient-elle. Le design joue ici un rôle important car si chaque élément est à la bonne place, on limite les gaspillages et les pertes d'énergie. Et l'on augmente du coup les chances de réussite.
Pour protéger et nourrir les sols, « vous mettez ce que la nature a rendu disponible et que vous avez sous la main, idéalement par couches de bruns et de verts : des feuilles tombées des arbres, des restes de tonte, des copeaux de bois... Pourvu que cela drape le sol dans sa grosse écharpe pour l'hiver. La terre aura bien chaud. Tout comme vous, au coin du feu ». Et pourra alors se régénérer.
Une source de mieux-être
Certes, Albena Walckiers s'est attaquée en dernière minute à une terre peu favorable au maraîchage. Toutefois, la récolte estivale a été plutôt réussie et l'encourage à poursuivre l'aventure. « Les formations ont dissipé les craintes. En fait, c'est facile ! », se réjouit-elle. À tel point qu'aujourd'hui, prendre soin de sa terre lui procure une « joie pure ».
Le fait de produire la base de son alimentation, « c’est relaxant, valorisant et stimule la créativité en même temps que le lâcher prise. On en retire une certaine fierté », abonde la formatrice. « Là où l’on pourrait penser que de gérer un potager est impossible lorsque l’on travaille beaucoup, en fait, il peut vous faire gagner, tous les jours, un temps précieux, motive-t-elle encore. Désormais, je suis au potager tous les jours vers 18 heures comme d’autres déambulent dans les rayons d’un supermarché ».
Au-delà, les effets se sont aussi fait ressentir sur ses enfants.
« Ils mangent des légumes sans rechigner parce qu'ils les ont fait eux-mêmes pousser et qu'ils connaissent leur provenance. »
Et leur maman valorise ce lien particulier et ce temps précieux passé avec eux à prendre soins de ce qu’ils cultivent. « Cela redonne envie de cuisiner et laisse place à la créativité », ajoute Stéphanie de Theux. «C’est aussi un moyen efficace de les conscientiser aux enjeux climatiques», complète Albena Walckiers, dont la fille s’est prise de passion pour le fonctionnement et l’utilité du compost.
Les implications de la permaculture sont effectivement larges, appuie Stéphanie de Theux. «Le potager en permaculture est un exemple de diversité dans lequel les éléments s’entraident », explique-t-elle. C’est un système qui organise les interactions des vivants (lire ci-dessous).
Vidéo : Valentine Van Vyve
Photos : Jean-Luc Flémal
Une (perma)culture du travail
La permaculture dépasse la culture de légumes. C'est une éthique et une philosophie basée sur la prise en compte de la nature, de l'être humain et du partage équitable au sein de la société. Ces trois grands principes régissent son action, tant dans le domaine de l'agriculture que dans la conception de la société. «Il s'agit d'abord de prendre soin de la terre : lorsque l'on crée un potager, c'est à la terre que l'on pense en premier lieu et après seulement aux légumes. Ensuite, on prend soin des hommes : il s'agit de ne pas contrer la nature, de travailler avec elle et d'ainsi obtenir des récoltes saines et en suffisance. Enfin, elle implique le partage : des récoltes, des ressources, des compétences », explique Stéphanie de Theux.
Enrichir le terreau de la culture d’entreprise
Ces principes sont, dit-elle, « déclinables à la vie de famille comme au monde du travail ». Elle les met donc au service des entreprises qui la consultent dans le cadre de team-building. Des moments qu'elle estime « particulièrement savoureux ».
Par analogie, « on comprend qu'un élément peut avoir plusieurs fonctions et qu'une fonction peut être exercée par plusieurs éléments ; que l'organisation peut être meilleure si l'on permet à certains éléments d'être déplacés et donc, dans une entreprise, si l'on favorise la mobilité interne en fonction des compétences et des qualités de chacun ; que cette mobilité enrichit le terreau de la culture d'entreprise; que certaines associations donnent de meilleurs résultats que d'autres. On comprend que chacun fonctionne par rapport et grâce à l'autre ; que les uns protègent et nourrissent les autres On enrichit le terreau de l'entreprise, on prend soin des humains, on partage les ressources, les idées et les savoirs ».