Petit manuel
de survie en temps de crise électrique

Energuide.be / IPM

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La meilleure énergie, c'est celle que l'on n'utilise pas. La formule est connue, mais bien peu appliquée.
Alors que le spectre des coupures de courant planera sur la Belgique durant tout cet hiver, voici quelques gestes simples pour économiser l'électricité.

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Reportage 

Gilles Toussaint

« Faites la fête avec vos voisins ! » L'idée, un brin provocante, de Frédéric Chomé peut paraître farfelue (voir vidéo). Elle ne l'est pas forcément dans un pays où l'on évoque une possible mise à l'arrêt des trains…

Tant qu'à subir des contraintes, autant les rendre les moins pénibles possibles, explique ce consultant spécialisé dans les questions climatiques et énergétiques. « Alors, pourquoi ne pas se regrouper pour une soirée conviviale dans l'habitation d'un voisin ou de proches, afin d'optimiser les ressources énergétiques d'un seul logement ? De son côté, l'invité coupe tous les appareils dans sa propre habitation (sauf ses appareils de froid), l'idéal étant de déclencher le disjoncteur général, durant les deux ou trois heures où la demande atteint habituellement son maximum.»

Petits gestes, grands effets

« Dans un contexte moins urgent, on pourrait conseiller aux gens d'investir dans des appareils économes. Mais ici, c'est trop tard. On n'a pas vraiment le temps. A part pour l'éclairage, l'essentiel des mesures qui peuvent être mises en œuvre par les citoyens consistent à agir sur des petits gestes », enchaîne de son côté l'ingénieur Olivier Sidler, porte-parole de l'association négaWatt, qui a fait de la maîtrise de la consommation d'énergie son cheval de bataille.

Dans les situations hivernales, souligne-t-il, « ce sont effectivement les heures de pointe qui sont problématiques et qui exposent la population à un risque de délestage, c'est donc à ce moment-là qu'il faut tenter de réduire la puissance demandée. En France, nous avons une tare majeure qui est le chauffage électrique, c'est beaucoup moins le cas chez vous. C'est déjà une bonne chose. »

Plus que sur la réduction de consommation, c'est donc sur le timing de la demande en électricité que propose d'agir notre expert. L'objectif est d'éviter que tout le monde sollicite les centrales au même moment. En Belgique, cette période critique est généralement la tranche de 17 à 21h en soirée, mais certaines matinées (de 7 à 11h) peuvent aussi s'avérer "électrosensibles".

Agir au niveau du chauffage

Ce n'est pas la première idée qui vient à l'esprit, mais baisser son chauffage est un petit geste qui permet d'économiser de l'électricité, même si l'on utilise une chaudière au fioul ou au gaz. « Placer la température de confort à 17 ou 18 degrés, permet de moins solliciter tous les systèmes électriques – pompe, etc. - qui commandent la chaudière, explique Olivier Sidler. C'est une mesure qui ne coûte rien et qui demande simplement que chacun fasse un petit effort en cette période exceptionnelle, en s'habillant un peu mieux à la maison. »

Une autre manœuvre, un rien plus complexe, consiste à demander à son chauffagiste d'asservir le circulateur (le dispositif qui fait circuler l'eau de la chaudière vers les radiateurs) au fonctionnement du thermostat d'ambiance. « De cette manière, quand celui-ci se coupe, il coupe non seulement le brûleur, mais aussi le circulateur. Cela peut représenter une centaine de watts branchés en permanence jour et nuit, même en été si l'on n'arrête pas la chaudière ».

Le Chiffre – 100 W. Pour la plupart des gens, une puissance de 100 watts ne représente a priori pas grand-chose. En imaginant qu'une ancienne ampoule à incandescence de cette puissance reste allumée pendant 24 h, celle-ci consommerait pourtant 2400 Wh (ou 2,4 kWh), soit 876 kWh sur une année…
Un chiffre à mettre en perspective avec la consommation électrique annuelle moyenne des ménages belges qui tourne aux alentours de 4000 kWh. Une puissance de 100 W dans chaque foyer belge représente 450 MW, soit la moitié de la puissance d’un réacteur nucléaire récent.

Deuxième cible : le chauffe-eau. Les personnes qui produisent leur eau chaude avec un ballon électrique peuvent également agir sur celui-ci. « Soit cet appareil est déjà programmé pour fonctionner la nuit et dans ce cas il n'y a rien de plus à faire, soit il fonctionne 'au fil de l'eau' c'est-à-dire qu'il se met en marche dès que vous tirez un peu d'eau chaude. Dans ce cas, je suggère de l'arrêter pendant la journée et de le remettre en route vers 22h, il est généralement raccordé à un disjoncteur. De cette manière il produira l'eau chaude pendant la nuit, quand la demande en électricité est moindre. Et cela ne pose aucun problème car le ballon est conçu pour garder l'eau chaude une journée entière. »

Dans la cuisine et la salle de bain

Auxiliaires indispensables des tâches ménagères, les gros appareils électriques demandent énormément de puissance, souligne encore notre interlocuteur. Chacun représente environ 2,5 kW (2 500watts). En outre, les lave-vaisselle, lave-linge et autres sèche-linge sont souvent mis en route le soir, après le souper. Soit « au plus mauvais moment ». L'idéal est donc de les programmer pour démarrer la nuit ou en tout cas après 22h-23h pour éviter la période de pointe.

« D'autres principes basiques sont aussi bons à rappeler, notamment celui qui consiste à attendre que ces machines soient pleines pour les lancer et pas quand on a trois assiettes dans le lave-vaisselle. Il ne faut pas non plus avoir peur de tasser le linge dans la machine pour atteindre la capacité de 5 ou 6 kilos autorisée - c’est un conseil des fabricants. »

Ici encore, opter pour une température de lavage de 40 au lieu de 60 degrés permet une économie d'énergie non négligeable et limite la durée de fonctionnement de la résistance. Dans la mesure du possible et si les conditions s'y prêtent, il est également recommandé de faire sécher son linge à l'extérieur, « à l'ancienne », dans une cave ou une pièce avec un espace disponible. « Il faut au maximum éviter d'utiliser le sèche-linge car c'est un appel de puissance importante et qui peut facilement durer deux heures. »

Côté vaisselle, songez aussi à enclencher la touche « Eco » qui va diminuer la température de lavage. Et si votre eau chaude est assurée par un ballon électrique programmé pour fonctionner de nuit, pourquoi ne pas se faire une bonne vieille "plonge" à la main en famille ?

Tv, ordinateur, hi-fi...

Un petit détour par le salon et le bureau s'impose également. Si, sous l'impulsion des normes européennes, la plupart des appareils électroniques modernes sont équipés de dispositifs de veille, nombre d'entre eux consomment de précieux watts alors même qu'ils sont censés être à l'arrêt.
Cela peut facilement représenter une puissance d'une centaine de watts au total, qui génère une consommation passive invisible, observe Olivier Sidler.

Deux solutions se présentent dès lors à vous. La plus contraignante consiste à faire le tour de tous ces appareils pour en débrancher la prise lorsqu'ils ne sont pas utilisés. Le plus simple est d'acheter un bloc multiprises sur lequel plusieurs appareils peuvent être branchés et qui est équipé d'un interrupteur qu'il suffit d'allumer ou de couper selon les nécessités. On en trouve aujourd'hui dans le commerce pour une dizaine d'euros.

C'est un système simple et extrêmement utile pour tous les périphériques audiovisuels (téléviseur, home cinéma, chaîne stéréo, décodeur, routeur Wi-fi…) et informatiques (PC, écran, ordinateur portable, imprimante, smartphone…) qui, cumulés, représentent une puissance importante, répète notre spécialiste
« Or, on ne risque absolument pas de les endommager en les déconnectant totalement, ils sont conçus pour cela. »

Et la lumière ne fut plus...

Une lampe par-ci, un lampadaire par-là. Le premier réflexe à avoir, martèle Olivier Sidler, est d'éteindre l'éclairage dès que l'on quitte une pièce. « Le nombre de logements où trois ou quatre pièces restent éclairées alors que personne ne s'y trouve est vertigineux ! »
Or, l'éclairage d'une habitation peut lui aussi représenter un sérieux poste de consommation. Et si les très gourmandes ampoules à incandescence ont été bannies à la vente, on en trouve encore pas mal dans les logements, tout comme les ampoules halogènes qui ne sont guère économes elles non plus, rappelle notre interlocuteur.

A l'heure actuelle, on peut pourtant aisément acquérir des ampoules leds à des prix abordables dans les commerces ou les magasins de vente en ligne. « Les prix ont nettement baissé et c'est un petit investissement avec un effet spectaculaire. » En complément, « on peut également réduire le nombre de foyers lumineux allumés dans les habitations lors des journées difficiles », suggère encore le porte-parole de négaWatt. Et tant qu'à faire, éviter de trop recourir aux cafetières et autres bouilloires électriques.

La portée de ces petits gestes peut sembler limitée, mais si vous les multipliez par l'ensemble des ménages belges, vous aurez vite une différence conséquente, conclut-il. Outre le fait de limiter l'appel de puissance dans les heures critiques, « quelqu'un qui conserverait ces habitudes durant toute l'année peut facilement réaliser 10 à 15 % d'économies sur sa consommation ». Et rien n'empêche de les mettre en pratique sur son lieu detravail.

La crise du système électrique belge est peut-être l'occasion rêvée de prendre durablement de bonnes résolutions.

Vidéo : Gilles Toussaint

Photos: D. Bauweraerts / Alexis Haulot / Belga / Reporters