La chasse
aux fuites d'eau est ouverte

© Olivier Papegnies / collectif Huma

© Olivier Papegnies / collectif Huma

La sécheresse et les restrictions imposées dans certaines communes nous rappellent que l’eau est un bien précieux.
A Bruxelles, Shayp expérimente un système permettant de détecter les fuites et de mieux gérer sa consommation.

Reportage 

Gilles Toussaint

L’eau s’écoule dans un vacarme assourdissant, on se croirait sous une cascade. Il n’en est pourtant rien. Nous sommes près de la petite fontaine de la place de Ninove, non loin du centre de Bruxelles. Sous la fontaine, pour être précis. Le dispositif qui l’alimente se trouve dans un discret local auquel on accède via une échelle dissimulée sous une trappe métallique.

Cette fontaine fonctionne en circuit fermé, c’est toujours la même eau qui circule grâce à un mécanisme de pompe qui permet de la récupérer. On ne fait la vidange complète qu’au moment du nettoyage des filtres”, explique Alexandre Mc Cormack en utilisant son smartphone en guise de lampe de poche. Mais ce n’est pas le cas detoutes les fontaines installées dans la capitale, souligne-t-il.

Fixé sur un tuyau d’alimentation, l’objet de notre visite ne paie pas de mine. Surmonté d’une antenne, le petit boîtier en plastique est raccordé à une vanne via un petit capteur. “L’appareil effectue automatiquement un relevé de la consommation toutes les six minutes avec une grande précision”, explique fièrement son concepteur. “Le senseur calcule le nombre d’impulsions dans la vanne pour connaître le débit et ces données sont ensuite transmises via le module émetteur dont la batterie à une durée devie de dix ans. C’est un système non invasif et facile à installer.

Eviter un gaspillage monumental

Baptisé “Shayp”, ce système est actuellement à l’essai sur plusieurs sites bruxellois dont le Manneken-Piss. D’autres projets pilotes ont également été lancés à Gand, Mons et Charleroi, complète Alexandre Mc Cormack. Ils concernent des fontaines, mais aussi des logements sociaux et des bâtiments publics. “L’objectif est de pouvoir mesurer la consommation d’eau afin de détecter les fuites éventuelles. Outre le fait d’éviter ce gaspillage, cela permet, par exemple, d’évaluer si l’investissement dans l’installation d’un système de récupération d’eau en circuit fermé se justifie pour des fontaines.”

35 % - De l'eau potable est gaspillée en Belgique. Des pertes liées aux canalisations abîmées, à des problèmes “mécaniques” ou à des erreurs humaines. Selon les estimations, environ un cinquième des ménages belges seraient concernés par des fuites d’eau sans toujours en être conscients.

En Belgique, poursuit notre interlocuteur, on estime qu’un tiers de l’eau potable s’envole dans la nature. “Cela peut-être dû à des fissures de canalisations sur le réseau, à une chasse d’eau qui s’écoule en permanence à cause d’un flotteur bloqué… Sur le Manneken-Piss, on a détecté un problème à un moment donné parce qu’une vanne était trop ouverte. Les gens ne se rendent pas compte, mais dans certains bâtiments, les fuites peuvent représenter la moitié de la facture d’eau. Un simple robinet qui fuit goutte à goutte peut aboutir à plusieurs milliers de litres sur une année. Dans une résidence pour personnes âgées, nous avons constaté des fuites qui représentaient 40 000 euros par an”, souligne-t-il.

Et si ces problèmes se rencontrent le plus souvent dans d’anciens immeubles aux équipements vétustes ou mal entretenus, il n’est pas rare qu’ils se produisent également dans des bâtiments neufs. Or, comme nous le rappelle fort opportunément la sécheresse de cet été 2018, l’eau est un bien précieux et même de plus en plus précieux. Ces dernières années, son coût a doublé à Bruxelles et en Wallonie, relève Alexandre Mc Cormack.

Anticiper les problèmes et gérer sa consommation

Grâce à “Shayp”, ces fuites peuvent être rapidement repérées et le propriétaire concerné reçoit un message d’alerte par SMS. L’outil se destine tant aux collectivités qu’aux entreprises ou aux particuliers.

Le coût de l’appareil en lui-même –  couplé à une application sur smartphone – s’élève à une centaine d’euros. L’entreprise y associe une offre de services dont l’abonnement revient à 29 euros par an pour les particuliers. Il s’agit, par exemple, de les aider à mieux comprendre leurs habitudes de consommation, à suivre celle-ci semaine par semaine afin d’anticiper leur facture. “Shayp”, qui ne procède pas aux éventuelles réparations, propose également la possibilité de contacter plus facilement un plombier en cas de problème.

“Pour les entreprises, le tarif varie au cas par cas en fonction de ce qui est demandé, mais cela avoisine grosso modo une cinquantaine d’euros par an. On propose de les aider à établir un diagnostic de leur consommation, de voir comment envisager des changements de comportements ou encore si un investissement dans de nouveaux équipements sanitaires peut s’avérer judicieux. On peut aussi mesurer l’impact d’une campagne de sensibilisation.

Intégrer le système aux assurances ?

L’entreprise bruxelloise ambitionne par ailleurs un partenariat avec des compagnies d’assurances qui pourraient offrir cet appareil dans le cadre des contrats passés avec leurs clients. “C’est un système avantageux pour elles car on réduit leurs coûts enanticipant les dégâts liés aux fuites d’eau”, argumente Alexandre Mc Cormack.

50 000 euros - Suite à des fuites en série qui lui ont coûté la bagatelle de 50 000 euros en cinq ans, la commune de Comblain-au-Pont a pour sa part équipé certains bâtiments publics de "disjoncteurs d'eau" conçus par la société française Hydrelis. Ces appareils détectent les pertes sur le réseau et coupent l'alimentation quand cela s'avère nécessaire.

Lauréat du Fonds Sense de la Fondation pour les Générations futures et du prix Greenlaben 2017, Shayp a entamé le déploiement de ces modules au mois de mai. “En l’état, nous avons déjà détecté des fuites représentant quelque 25 millions de litres d’eau par an. Et nous nous sommes fixé pour ambition d’épargner 100 milliards de litres d’ici trois ans”, conclut-il.

Vidéo : Valentine Van Vyve

Photos : Olivier Papegnies - Collectif Huma

Gaspillage : comment éviter la douche froide ?

Chaque Belge utilise en moyenne 105 litres d’eau potable par jour, une famille belge de trois personnes consomme généralement chaque année plus de 100 m³ d’eau, estime Test Achats. S'il suffit d'ouvrir le robinet pour avoir accès à cette eau, c'est bien de l'or bleu qui nous coule, souvent, entre les doigts. Le gaspillage de cette ressource épuisable est en effet loin d'être marginal. Il est néanmoins possible de réaliser de grandes économies en adoptant des gestes simples.

Dans la salle de bain

WC, bains, douches et lessives comptent pour à peu près 80 % de la consommation d'eau d'un ménage. La salle de bain est donc sans conteste la pièce de la maison où l'on peut réaliser les plus grandes économies.

Evier. Le premier conseil, somme toute simple à exécuter, est de ne pas laisser couler l'eau pendant le rasage, le lavage des mains et des dents. Pour ce dernier, on peut par ailleurs se rincer la bouche en utilisant un verre plutôt qu'en penchant sa tête sous le robinet.

Bain ou douche. "Le bain et la douche représentent environ un tiers de la consommation d’eau totale d’une famille", détaille Test Achats. Un bain consomme au moins 150 litres d'eau. Pour utiliser celle-ci avec plus de parcimonie, il est conseillé de prendre des douches courtes (de 5 minutes maximum). Comme pour le robinet, il convient de couper l'eau pendant le savonnage. Ce petit geste permet d'économiser 20 litres supplémentaires. "Un pommeau de douche classique consomme en moyenne 15 litres par minute. Dix minutes sous la douche sans couper l’eau et ce sont 150 litres d’eau volatilisés. Soit autant que certaines baignoires", prévient Ecoconso.

Question pommeau, attention de ne pas tomber dans le panneau ! La douche "effet pluie" peut consommer allègrement 20 litres par minute… Outre le limiteur de débit qui, placé sur le pommeau, permet de limiter la quantité d’eau s’en écoulant, il est possible d'installer un pommeau économique. "Ceux-ci limitent le débit à 6 litres par minute. La douche de 5 minutes ne consommera alors plus que 30 litres", évalue Ecoconso, se voulant par ailleurs rassurant sur le confort d'un tel dispositif : "La sensation est la même qu’avec une douche classique. L’eau est simplement mélangée avec de l’air pour obtenir de plus petites gouttes." Autre astuce : équiper sa douche d'un mitigeur thermostatique, qui permet de chauffer l'eau plus rapidement.

Toilettes. De plus en plus courante, la chasse d’eau à double commande a des effets considérables : elle permet de ne plus utiliser que 3 et 6 litres d’eau par chasse au lieu des 10 litres ou plus pour les systèmes de rinçage classiques. Si vous ne disposez pas de ce dispositif, vous pouvez diminuer le volume de la chasse en plaçant une bouteille remplie à l'intérieur du réservoir. Elle occupera l'espace normalement dévolu à l'eau et permettra donc de diminuer le volume à remplir. Vérifiez également que la toilette ne fuit pas. Car dans un tel cas, elle peut consommer 25 litres par heure !

Lessive. Pour finir le tour de la salle de bain, ne faites tourner le lave-linge que lorsqu'il est rempli et préférez le mode « éco », qui dure plus longtemps mais utilise moins d'eau.

Dans la cuisine

Vaisselle. Comme pour le lave-linge, attendez que votre lave-vaisselle soit plein avant de le lancer. Le mode éco utilisera environ 10 litres par lavage. Si vous faites la vaisselle à la main, ne laissez pas couler l'eau. Au lieu d'utiliser 50 litres d'eau potable, vous n'en utiliserez alors que 15 à 20 litres. Il n'est pas nécessaire non plus, selon Tests Achat, de rincer la vaisselle avant de l’introduire dans la machine.

Robinet. Certains robinets sont aujourd'hui équipés d'une poignée à double position, permettant de choisir le débit souhaité. Il est aussi possible de fixer au robinet un économiseur d'eau. Pensez qu'un robinet qui goutte représente une déperdition de 30 m³ par an et jusque 150 m³ lorsqu’un fin filet s’en écoule.

Enfin, en attendant que l'eau devienne chaude ou lorsque vous rincez les légumes, faites-le au-dessus d'une bassine. Elle pourra ensuite servir à arroser vos plantes.

Dans le jardin

Arrosage. Il est préférable d'arroser vos plantes le soir pour éviter l'évaporation rapide due au soleil, d'utiliser un arrosoir plutôt qu'un tuyau (là aussi, faites attention aux fuites) pour limiter le phénomène de ruissellement et d'arroser moins souvent mais plus longtemps. "Pour le potager, recouvrez le sol entre les plantes de paille, de tontes de pelouse ou de feuilles mortes pour favoriser la rétention de l'eau", ajoute Ecoconso.

De l'eau potable... ou pas

L'eau qui sort du robinet est potable. Or, cela "n'est nécessaire que pour 5 % de notre consommation d'eau", soulève Ecoconso. Pour le reste, jardin, toilette, linge et vaisselle, on peut utiliser d'autres sources, notamment l'eau de pluie. "Comme elle est douce, elle rend superflus adoucisseur et adoucissant, et diminue la quantité de détergent nécessaire. Elle limite également l’entartrage de la machine à laver, ainsi que des canalisations et des mécanismes des chasses des toilettes", motive l'association de défense des consommateurs. Ce choix nécessite cependant une installation de filtrage, variable selon l'usage que vous en faites. L'usage de l'eau de pluie permettrait en tout cas diviser la consommation d’eau potable par deux, estime Tests Achat. Et par la même occasion, de diminuer substantiellement sa facture.

V.V.Vy.