Neibo,
la téléphonie mobile en mode coopératif

©Bernard Demoulin

©Bernard Demoulin

La famille des coopératives s’agrandit et se diversifie. Neibo, la première coopérative belge dans le secteur de la téléphonie, veut mobiliser les citoyens pour qu’ils s'investissent dans un modèle économique porteur de sens et d'équité.

Rencontre 

Lauranne Garitte

On connaît les coopératives alimentaires ( Agricovert, par exemple), les coopératives d’énergie ( Enercoop, notamment), les banques coopératives ( NewB ou Crelan) ou encore les supermarchés coopératifs ( Bees Coop à Bruxelles). On connaît moins les coopératives de téléphonie mobile. Et pour cause, la toute première du genre a vu le jour en Belgique il y a moins de deux mois.
Son nom ? Neibo pour "Neighbour", signifiant "voisin" en anglais.
Le principe ? Proposer un service de téléphonie performant, 100% aux mains de ses coopérateurs, en s’inspirant de "The Phone Coop" au Royaume-Uni.

Vers une économie plus durable

"Aujourd’hui, dans notre pays, à part les grands opérateurs historiques et quelques opérateurs privés classiques, il n’y a aucun projet citoyen alternatif qui a émergé dans le domaine de la téléphonie mobile. C’est pourtant facile à mettre en place", commente Martin François, entrepreneur social chargé du crowdfunding pour la jeune coopérative.

Le projet est né de sa rencontre avec Quentin Verstappen, en juin 2017. L'idée trottait déjà depuis cinq ans dans la tête de cet entrepreneur bruxellois expérimenté, convaincu que le secteur des télécoms peut contribuer à financer une transition vers une économie plus durable et plus équitable.

150.000 euros - Le montant que les fondateurs de Neibo espèrent rassembler via un crowdfunding pour que le projet puisse basculer dans sa phase opérationnelle.

L’obtention d’un subside de 75.000 € grâce à l’appel à projets "Economie Sociale 2017" de la Région de Bruxelles-Capitale sera décisif. En janvier 2018, l’équipe de Neibo est au complet et se lance concrètement dans l'aventure.

Le modèle économique de la coopérative apparaît quant à lui comme une évidence : "C’est un système de gouvernance démocratique qui permet de fédérer les utilisateurs autour d’un projet sensé et qui leur appartient", argumente Martin François.

©Neibo

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Utiliser les bénéfices à bon escient

En mai 2018, Neibo scrl est créée. Un "simple" opérateur mobile de plus dans le paysage belge ? Pas tout à fait… puisque Neibo se veut "différent" et se dit "prêt à s’engager vraiment".

Mais encore… ? Tout comme ses concurrents, Neibo proposera les services de SMS, data, appels, couverture, support technique. La coopérative s’en différenciera toutefois par sa gouvernance et sa finalité. "Côté gouvernance, chaque coopérateur égale une voix, qu’importe s’il investit 20€ ou 1000€. C’est selon moi le meilleur moyen de ne jamais s’éloigner de l’objectif initial : placer le citoyen au cœur du projet", insiste Quentin Verstappen. De cette manière, chaque coopérateur contribue aux grandes orientations stratégiques, en toute transparence et selon un système démocratique.

Côté finalité, l’équipe de Neibo est convaincue que remplir toujours les mêmes poches ne contribue pas au bon fonctionnement d’une société. Les bénéfices seront donc redistribués de trois manières différentes : en les réinjectant dans la coopérative elle-même pour le développement de ses services; en les redistribuant aux coopérateurs sous forme de ristournes ou de dividendes et en les versant à différents projets durables, éthiques et locaux choisis par les coopérateurs.

Pourquoi devenir coopérateur ?

Via un investissement de minimum 20 euros, l’abonné prend part à un projet national, collectif et citoyen innovant, argumente Martin François. Il participe à la prise de décisions stratégiques au sein de la coopérative, tout en satisfaisant ses besoins en termes de téléphonie mobile. Enfin, le coopérateur peut profiter de ristournes sur son abonnement et bénéficier du Tax Shelter, une réduction d’impôts jusqu’à 45% du montant investi.

Comment ça marche ?

Pour devenir coopérateur, rendez-vous sur le site www.neibo.be où des parts de 20€ sont mises en vente. Le coopérateur peut acheter entre une et cinquante parts.

Une fois coopérateur, aucune obligation de participer aux assemblées générales ni de recevoir les mails d’information, ni même d’être client. Un coopérateur n’est pas obligé d’être client, et un client n’est pas obligé d’être coopérateur.

Quand la coopérative sera officiellement lancée, l’abonné peut se rendre à l’assemblée générale annuelle et y prendre les décisions stratégiques de son opérateur mobile. Il peut aussi voter en ligne pour les projets éthiques, durables et locaux qu’il désire financer. Si le projet génère suffisamment de succès, il bénéficie de certaines ristournes.

Des tarifs alignés sur ceux du marché

Oui, mais cela coûtera forcément plus cher ! Non, promet Neibo qui s'engage à s’aligner sur les prix du marché.  "Pour les mêmes services, la même qualité et les mêmes tarifs, nous voulons proposer un système coopératif alternatif", résume notre interlocuteur.
Afin d’atteindre cet objectif, l’équipe compte réduire ses coûts de fonctionnement (marketing, publicité, etc.)

"Les entreprises de téléphonie mobile génèrent beaucoup d’argent qui finit dans les poches d’investisseurs ou de l’Etat. Cet argent pourrait financer la transition de notre économie. Pour nous, il apparaît comme une évidence de le réinjecter dans des projets locaux porteurs de sens."
Martin François

Par ailleurs, les ristournes sur les abonnements bénéficieront aussi directement aux portefeuilles des coopérateurs, même si cela dépendra bien entendu des bénéfices générés. Enfin, via le financement de projets locaux, Neibo contribue au développement de l’économie locale.

A terme, un opérateur mobile 100% autonome ?

Le 22 mai 2018 marque le lancement de la campagne de crowdfunding de Neibo, avec l’objectif d’atteindre une levée de fonds de 150.000€ d’ici à la fin novembre. Le 15 juin, la barre des 20.000€ venait d’être dépassée grâce à l’investissement de 250 coopérateurs.
A chaque euro investi, le Fonds Entrepreneuriat Social de la Région Bruxelloise double la mise pour soutenir le projet. D’ici à la fin juillet, Neibo espère pouvoir compter sur 1000 coopérateurs.

Et après ? Si l’objectif fixé est atteint, Neibo enverra en mars 2019 les cartes SIM à ses premiers clients, et activera le réseau en juin 2019. Dans le futur, la coopérative veut étendre son offre à la téléphonie fixe et à Internet, ainsi que proposer des packs.

En poussant le rêve un peu plus loin encore, Martin François imagine : "Et pourquoi pas posséder un jour nos propres antennes pour être complètement autonomes ?"

Vidéo : Gilles Toussaint

L'équipe de Neibo est convaincue de la pertinence et des valeurs portées par le modèle coopératif. De gauche à droite : Christophe Marquez (responsable crowdfunding), Nina Bohluly (chargée de communication), Martin François (responsable crowdfunding), Noémi Grandjean (community manager), Quentin Verstappen (cofondateur). ©Neibo

L'équipe de Neibo est convaincue de la pertinence et des valeurs portées par le modèle coopératif. De gauche à droite : Christophe Marquez (responsable crowdfunding), Nina Bohluly (chargée de communication), Martin François (responsable crowdfunding), Noémi Grandjean (community manager), Quentin Verstappen (cofondateur). ©Neibo