Wald-Cube

Des maisons écologiques et durables, fabriquées surcommande et en atelier

Chapeau.

Reportage
Bosco d'Otreppe

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Il donne l’impression d’être arrivé sur la pointe des pieds. Et c'est un peu le cas. Aumois de septembre, en moins d'une journée dans le village de CrasAvernas en province de Liège, le premier Wald-Cube s'est installé face aux champs et face au soleil auprès duquel il puise l'essentiel de son énergie.

"Mais attention, s’il peut en avoir l’air, le Wald-Cube n'est pas unecabane, ni même une cabane améliorée, précise d'emblée Vincent Mestdagh, administrateur de la société EcoLodge. C'est une maison, une petite maison, mais une véritable maison."

Le Wald-Cube est un habitat écologique, passif, et réalisé essentiellement avec des matériaux locaux, surélevé pour éviter les lourds travaux de terrassement.

Installé sur une quinzaine de pieux qui le soulèvent à 60 centimètres du sol et qui évitent de lourds travaux de terrassement, le Wald-Cube est un habitat écologique, passif, et réalisé essentiellement avec des matériaux locaux, dont une grande partie de bois ardennais et de paille hesbignonne.

Trois modèles accessibles

"Notre objectif était très simple, précise Vincent Mestdagh en racontant l’origine du projet. Nous souhaitions démocratiser la construction écologique et passive. Vous savez qu’environ 40 % de la production de CO2 d’un pays comme la Belgique sont issus du secteur de la construction, tant pour construire les matériaux, les déplacer, la réalisation des travaux, et la vie au sein d’une maison classique. En proposant un modèle d’habitat dans des matières durables, nous souhaitions proposer une alternative clé sur porte."

40 % de la production de CO2 d’un pays comme la Belgique sont issus du secteur de la construction.

Vincent Mestdagh, fondateur de Wald-Cube

La coopérative EcoLodge qui est à l’origine des Wald-Cube propose dès lors trois formules, correspondant à trois dimensions : 44 mètres carrés de surface habitable, 48 et 63. Le tout, agrémenté d’une terrasse de 14 mètres carrés. "Après, on offre un choix d’options en fonction de ce que l’on veut faire du Wald-Cube. Certains comptent y installer un bureau, d’autre un cabinet médical ou un atelier, d’autres enfin une vraie habitation. On peut très bien imaginer un kiné installer un Wald-Cube au fond de son jardin pour y recevoir ses patients. Ou une famille faire de même, mais pour accueillir les grands parents." A Cras-Avernas, le Wald-Cube est un gîte. Ouvert sur la nature, avec une petite salle de bain, une cuisine bien équipée, deux chambres à l’étage et un séjour lumineux il offre, il est vrai, un espace très confortable pour passer un week-end avec au maximum deux enfants. Pour y habiter à l’année, il faudra cependant apprécier la proximité et vivre léger : les espaces de rangements y sont ingénieux mais pas infinis. "Notez cependant que les Wald-Cube pourront s’assembler l’un à l’autre", précise Dominic Morrenne, membre de la coopérative et propriétaire de l’habitat de Cras-Avernas.

En ne proposant pour l’heure que trois modèles, EcoLodge souhaite standardiser et rationaliser au mieux la fabrication, en atelier, de ses modules. Cela permettra à la coopérative de limiter au maximum la production de déchets et le coût global. "Quand on y pense, souligne Vincent Mestdagh, c’est incroyable que des jeunes qui souhaitent se loger et se lancer dans la vie doivent s’endetter sur 25 ans."

61 000 euros - Coût minimum du produit fini et fonctionnel proposé par EcoLodge.

Pour 61 000 euros au minimum, la coopérative souhaite du coup proposer un produit fini et fonctionnel qui puisse être commandé, fabriqué et installé en quelques mois, et qui n’impose pas au propriétaire qui souhaite construire avec des matériaux durables de devoirs courir derrières des dizaines de fournisseurs. "Démocratiser et rendre vraiment accessible la construction écologique, c’est aussi la simplifier", insiste la société.

Une structure durable et flexible

Avec de larges baies vitrées pour capter la lumière et la chaleur, leWald-Cube a aussi pour volonté d’être un bâtiment passif, minimisant au maximum les besoins de chauffage. Pour ce faire, outre une orientation, des aérations, une toiture et des volumes adéquats, EcoLodge bénéficie dans ses murs d’un atout non négligeable : une ossature bois remplie d’une isolation en paille. Cette dernière lui permet de survivre aux étés trop chauds et aux hivers rigoureux. "C'est simplement quand la température reste aux alentours des 5 degrés pendant plusieurs jours, et qu'il y a peu d'ensoleillement que l'on prévoit un petit chauffage électrique d'appoint. Pour le reste, une orientation vers le sud, une aération automatique silencieuse, et surtout l'isolation en paille et bois nous permettent de traverser l'année sans chauffage", assure Vincent Mestdagh.

Cette isolation n’est pas inédite, mais elle a été pour le coup remodelé par Adrien Leclef, architecte des Wald-Cube. Le but était de trouver une formule économique, écologique et efficace, explique-t-il. "Plutôt que d’adapter l’ossature en bois au ballot de paille, ce qui se fait souvent, j’ai adapté celle-ci à une section de bois." Il en résulte les parois « Altar », des murs en douglas et en chêne remplis de cette paille hesbignonne. Cette structure est promise à une vie d’au-moins cinquante ans. "La paille est compressée et emballée dans un caisson. Elle est donc inaccessible et ne peut pourir car nous assurons une respiration du mur extérieur qui empêche toute condensation",explique encore l’architecte qui évalue à 600 ballots, c’est-à-dire la production d’un hectare de terrain, les besoins pour une maison.

Cette structure de paille et de bois peut être appliquée à différents types de bâtiments, assure encore Adrien Leclef. Se projetant dans l’avenir, la coopérative pense dès lors offrir ses services à des écoles. Elle imagine également des abris de jardin, ou des maisons plus importantes de 120 mètres carrés.

De paille et de bois, le vent peut souffler!

Quels bois ? Dans le secteur de la construction, le bois est une vieux de la vieille, c’est certain. Il y connaît néanmoins une nouvelle jeunesse. Du côté du résineux (essentiellement utilisé dans la construction), on trouve au rayon des essences belges majoritaires le douglas, l’épicéa et le pin. Ces derniers ont l’avantage de la proximité, mais le douglas, par exemple, n’est pas le plus durable. EcoLodge pour le bardage extérieur en partie basse propose et conseille le chêne pour améliorer cette durabilité.
L’intérieurdu Wald-Cube est quant à lui réalisé en panneaux OSB. Ces panneauxqui sont composés de fines lamelles posées ensemble sont poncés etpeuvent être peints.

La paille a du succès. Un bâtiment scolaire à Binche, un magasin à Lantin et une dizaine de maisons sur le territoire belge, la société wallonne Paille-Tech développe depuis près de dix ans des structures en paille et en bois pour imaginer des bâtiments à très basse émission. La technique n’est pas exactement la même que celle des parois« Altar », mais les objectifs de durabilité sont les mêmes. Comme on peut le lire sur son site, Paille-Tech s’est spécialisé « pour fournir des éléments de mur, toiture et plancher à des artisans. Ceci permet de diminuer fortement les coûts de construction en diluant les frais fixes sur un plus grand nombre d’éléments. A plus grande échelle, Paille-Tech travaille également à mettre en place des unités de production dans d’autres pays afin d’éviter que la centralisation des outils de production ne pénalise le système à cause des transports. »

Pour l’heure, les enjeux sont cependant ceux d’assurer une production de trente Wald-Cube par an. Mais aussi de peaufiner un habitat complètement autonome, armé de panneaux solaires et surtout, c’est le grand défi, d’une bonne récupération et gestion des eaux. "On pourrait alors imaginer installer le Wald-Cube au milieu des bois, ou en pleine montagne. Avec lesystème de pieux, le Wald-Cube peut se poser en des lieux très différents, et même sur des terrains irréguliers."

Face à ses champs, le Wald-Cube de Cras-Avernas attend désormais ses locataires. Clair et neuf, le bardage de chêne et de douglas tranche encore dans le paysage automnal. Les ans et les saisons estomperont sa jeunesse. Il demeurera cependant un des fers de lance du secteur de la construction belge qui, après des décennies d’inertie, sort progressivement de sa torpeur et s’en va conquérir les matériaux locaux et les structures écologiques et durables.

Photos : Olivier Papegnies / Collectif Huma
Vidéo : Semra Desovali