A Bruxelles et en famille, quand le vélo remplace l'auto

A Bruxelles et en famille, quand le vélo remplace l'auto

Se déplacer en ville, particulièrement à Bruxelles, n'est pas une sinécure. Le nombre de citadins qui optent pour des moyens de mobilité douce va croissant. Parmi ceux-ci, le vélo, dont l'usage devient progressivement familial.

Reportage
Valentine Van Vyve

Suivez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/LalibreInspire/

Sur les grands axes ou dans les ruelles de la capitale, les deux roues sont de plus en plus présents. Mais les cyclistes d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier : les équipements sont toujours plus perfectionnés et instaurent les conditions nécessaires pour que ces "usagers faibles" le soient de moins en moins. Désormais, le vélo, c'est même une affaire de famille ! Les enfants pédalent ou embarques sur ou dans des bécanes qui gagnent en qualité. Et la météo ne découragent pas, ou seulement un temps, ceux qui ont trouvé dans ce mode de déplacement une mobilité bénéfique sur tous les plans.

C'est le début de l'année scolaire et la famille Boulenc a gardé les bonnes habitudes : en ville, elle se déplace en vélo. C'est encore le cas ce matin-là : Marius saute dans le bac du "bakfiest" conduit par sa maman alors que Marilou roule sur son propre vélo, bien encadrée par son père.

On aurait pensé qu'un matin de semaine, dans une famille avec deux enfants de 6 et 8 ans, eut été quelque peu agité. Il est 7h30 et, dans moins d'une heure, Marilou et Marius doivent être dans leur école respective. Pourtant, les deux bambins et leurs parents ne semblent nullement pressés par le temps. La fenêtre du salon qui donne sur un petit jardin bruxellois laisse entrer le chant des oiseaux et une brise fraiche matinale. Marius dessine à la craie sur un tableau alors que sa soeur, déjà, se prépare doucement. "Généralement, c'est un peu plus animé, confesse Céline van Peteghem. Puisqu'on est prêt, allons-y!".

Mais comme dans toutes les familles, a fortiori de cyclistes, quand on pense être prêt... on ne l'est pas vraiment ! Alors que Marius peine à trouver ses chaussures, Marilou se saisi d'un petit sac à main qu'elle aurait aimé embarquer avec elle à l'école. "Repose ça s'il te plait!, lui glisse calmement son père. On se retrouve vite avec un tas de petites choses, commente Pierre. Et en vélo, ce n'est pas vraiment pratique."

La famille Boulenc ne partira pas en voiture. Comme tous les matins (ou presque) depuis un an et demi, Pierre, Céline et leurs enfants s'arnacheront de leurs casques, gilets jaunes et vestes imperméables et se mouvront à la force de leurs mollets. Le hall d'entrée fait d'ailleurs la part belle aux deux roues: bicyclettes, trottinettes et vélo pliable. Dehors, le bakfiest ou "vélobac", vélo à assistance électrique qui, comme son nom l'indique, comporte entre le guidon et la roue avant, un bac en aluminium et frigolitte ultra-compacte, est solidement attaché à la barrière.

Les trajets à vélo nécessitent un peu plus de temps de préparation. Il faut veiller à ce que l'équipement soit complet... et à anticiper les éventuelles caprices du ciel.

Marilou, que son père a délestée pour le trajet de son lourd cartable rose, enfourche sa bicyclette de la même couleur et suit assidument sa mère. Elle, conduit le vélo familial. Equipé de son casque et ceint d'une ceinture rouge vif, Marius, petit bonhomme à lunettes, est sagement assis à l'avant.

"Les enfants préfèrent nettement se déplacer à vélo qu'en voiture : ils prennent l'air, sont aux premières loges, voient ce qui se passe autour d'eux... et ne se disputent pas !"

Céline

Bruxelles à deux roues

Chiffres. Les comptages cyclistes organisés régulièrement à Bruxelles traduisent une progression annuelle moyenne du nombre de cycliste d’environ 10%, selon le GRACQ. Entre 2015 et 2016, le nombre de cyclistes a augmenté de 30%, soulève l’Observatoire bruxellois du vélo. “Les augmentations importantes du nombre de cyclistes comptabilisés cette dernière année permettent d’obtenir des résultats jamais atteints depuis l’existence de l’Observatoire. Pour la première fois, la barre symbolique des 1000 cyclistes/heure a été dépassée sur un carrefour de l’Observatoire (carrefour Mérode).

Facteurs divers.Attentats, tunnels, mise en place du piétonnier, météo, infrastructures cyclables, promotion du vélo, voici les principales causes permettant d’expliquer cette évolution, répertorie l’Observatoire. Il est toutefois difficile, voire impossible, de les isoler les uns des autres.

2 écoles, 4 kilomètres, 30 minutes

"Nous n'avons pas encore de routine bien huilée puisque cette année, les enfants sont dans deux écoles différentes", commente Céline. Cap est d'abord mis sur la première, à deux pas de leur maison de Woluwe-Saint-Lambert. La zone est plutôt résidentielle et le trafic peu dense. Parfait pour une ballade matinale en famille ! Mais arrivée à l'école, Marilou trouve la porte du garage à vélos close. Il restera en dehors des grilles, attaché à une barrière. Le temps d'un bref au-revoir et la petite fille a déjà disparu alors que ses parents poursuivent leur chemin. Pierre, sur son vélo pliable, rejoint fissa la gare centrale d'où il prendra le train vers Louvain. "Là-bas, je dois traverser la ville. Mais elle est bien plus adaptée aux cyclistes", soulève cet employé d'une entreprise de micro-électronique, satisfait de ce mode de déplacement même s'il est plus long que s'il optait pour la voiture.

Céline, elle, se met en route vers l'établissement scolaire Singelijn. "On parcourt 4 à 5 km pour faire la boucle", analyse, tout en pédalant, la mère de famille. A l'entrée, elle n'est pas la seule à garer son drôle d'engin, signe que le vélo devient un moyen de transport de plus en plus usité par les familles bruxelloises. "On attire quand même les regards, ce qui est un peu gênant, au début. Par contre, quand on s'arrête, la discussion s'engage vite avec les autres cyclistes".

De nombreux incitants

Céline et Pierre semblent eux-même un peu surpris de leur choix ! "Avant d'acheter le vélobac, on ne faisait rien à vélo !" admettent-ils. Pour autant, venant d'un village des Alpes coincé entre Grenoble et Chambéry, l’utilisation quotidienne de leur véhicule leur donne l'impression de "régresser". Pierre commutant vers Louvain, Céline n'avait que ses jambes pour se déplacer. Avec deux enfants, alors en bas-âge, cela devenait compliqué. "On avait besoin d'un second moyen de transport", se souvient-elle. Par souci écologique, l'option d'une seconde voiture est écartée alors que le système de voitures partagées reste compliqué avec des enfants.

"Venant d'un petit village dans les Alpes françaises, où la voiture était peu utilisée, on avait l'impression de régresser, en s'en servant tous les jours."

Céline, cyclo-maman.

Le couple se rend alors à Amsterdam, afin d'essayer le vélo familiale convoité. Il reviendra conquis. D'autant plus que la boite qui emploie Pierre multiplie les incitants à la mobilité douce : elle prend en charge les abonnements SNCB, STIB et de Lijn et verse une prime vélo. Ces avantages combinés leur permet d'acheter le vélobac pour lequel un certain budget est nécessaire : le prix d'une petite voiture d'occasion, soit 4500 euros tout compris, "avec un coût d'usage bien moindre", soulève Pierre. Financièrement, ils sont gagnants.

Pierre et Céline déposent Marilou à l'école. Lui, se rendra ensuite à Louvain en train. Elle, poursuivra avec Marius, avant de se rendre à l'université.

Mais les raisons de ce choix ne sont pas seulement financières et environnementales, elles sont aussi pratiques. "On doit penser à pas mal de choses lorsqu'on prend les vélos, mais dépassée la contrainte de l'équipement, c'est un mode de déplacement qui est avantageux sur le plan pratique. Le gain de temps est inestimable ; on évite les embouteillages et le stress qui les accompagne et on fait de l'exercice !", souligne Pierre, qui a décidé de mettre l'énervement de côté lorsque les automobilistes dénient aux cyclistes le droit de s'insérer dans la circulation !

"Les infrastructures restent un point à améliorer", glisse d'ailleurs le couple. "Mais plus il y aura de cyclistes, meilleures elles deviendront", prédit-il. Des pistes cyclables en-dehors de la circulation, il en manque encore cruellement dans la capitale belge. En plus d'être garantes de la sécurité des cyclistes, elles leur éviteraient de respirer à pleins poumons les gaz d'échappement des voitures. "Plutôt que de générer de la pollution, on la respire...", fait d'ailleurs remarquer Pierre. Pour contrer ces effets néfastes, le couple n'a pas encore trouvé de réelle parade. "On dit aux enfants de respirer par ne nez", sourient Céline et Pierre.

Jongler entre 2 et 4 roues

Si les Boulenc se déplacent la plupart du temps en vélo, ils n'ont pas pour autant délaissé la voiture. "Quand il fait mauvais, c'est tentant !, admet Céline. Mais on est vigilants..." "Je suis plus extrémiste qu'elle sur ce point", plaisante Pierre.

Il faut passer à travers la pluie une première fois, et puis ça va. Les trajets ne sont jamais très longs, et on passe bien souvent entre les goutes."

Pierre, cyclo-papa

En fin de compte, "la flexibilité, on l'a grâce aux choix que l'on a : le vélo et les transports en commun en ville ; l'option de la voiture quand on en sort ou que les trajets n'offrent pas du tout le confort nécessaire avec des enfants. Ils ont leurs limites", explique Céline. Mais au moins "la dynamique est lancée."

"De manière générale, il faut accepter un niveau moindre de confort et ce choix demande de la motivation", admet-elle. "On ne prétend pas être un modèle ni vouloir l'imposer. C'est juste notre modèle à nous", dit humblement la mère de famille. Bientôt, elle reprendra le chemin des bancs de l'université. Il faudra alors que la famille trouve une nouvelle routine. "Il y a toujours des raisons pour ne pas sauter le pas mais quand on est décidé, on trouve des solutions !", ponctue avec optimisme la future étudiante en logopédie.

Pour Céline et Mike, le choix de la proximité

"On pensait que ce serait hyper-compliqué", se souvient Céline Vertraete. Il y a deux ans, elle et son mari, Mike, troquaient leur voiture pour un bakfiest. "C'était la veille de l'hiver", se souvient-elle. Peut-être pas le moment idéal, certes, mais celui qui ponctuait une année de réflexion. Pour eux aussi, un séjour à Amsterdam aura fini de les convaincre. Depuis lors, "la question du mode de déplacement ne se pose plus",se réjouit Céline. "En fait, ce choix nous a facilité la vie", raconte-t-elle, enjouée. Mike et Céline ont pourtant deux enfants, de 2 et 5 ans. De quoi attiser le scepticisme sur l'aspect réellement pratique du vélo ! Mais la jeune mère de famille n'en démord pas. "La ville a l'avantage de la proximité entre les lieux que l'on fréquente au quotidien."

Si Céline et Mike enfourchaient déjà leur vélo pour se rendre au travail, son usage n'était pas systématique. Leur voiture neuve, elle, restait dans le même temps bien souvent stationnée. "Pouvait-on s'en passer ?" La question revenait de manière lancinante... "La voiture nous coûtait cher, particulièrement en rapport de l'usage qu'on en faisait." Assurance, place de parking,... ce mode de transport est un gouffre financier dont ils ne voient que peu les avantages.

La vente de leur quatre roues leur permet d'investir dans un bakfiest et de s'offrir un abonnement Cambio (NdlR : système de voitures partagées). "On n'est pas à 100 % à vélo ! La voiture, c'est nécessaire lorsque l'on sort de la ville, avec les enfants, et que les transports en communs n'offrent pas de solutions assez confortables en terme d'horaires, explique-t-elle. Sans les enfants, on s'en passerait !".

Comme t

Se déplacer autrement, consommer différemment

"Le choix était donc pratique, économique... mais surtout écologique", résume Céline. Sensibles à leur impact environnemental, les Bruxellois se demandent comment réduire encore cette emprunte. "En ville, il y a des solutions et alternatives en terme de mobilité douce". Tous les arguments penchent en faveur du vélo. "Mais il a fallu s'équiper convenablement". Un must. Ils dégotent un vélo à assistance électrique avec "cargo" intégré, 100 % hollandais chez un petit producteur des Pays-Bas. Un choix résonné... Parce que la réflexion ne se limite pas à la seule mobilité.

"La réflexion autour du mode de mobilité fait partie d'un questionnement plus large sur nos habitudes de consommation."

Céline.

Le 'switch' a "accéléré une réflexion plus large sur notre manière de consommer". Cet achat posera la première pierre d'une consommation plus -et pratiquement exclusivement- locale. La famille revoit ses habitudes : "On profite des espaces verts et de détente à proximité de la maison, on fait nos courses dans les commerces locaux,... définitivement, la manière dont on se déplace influence la manière dont on consomme", résume Céline, dont la démarche s'ajoute à celle du zéro déchet que tente d'appliquer le couple.

Bémol : des infrastructures lacunaires

Casques vissés sur la tête, Céline et Mike conduisent Anouk et Alexis à gauche, à droite. "Les enfants ne se plaignent pas... ils s'adaptent !, commentent-ils. Mais parce que les infrastructures sont souvent inadaptées, nous devons nous mêler au trafic", glisse Céline en guise de bémol.

“On s'est dit qu'on n'allait pas attendre une décision politique sur l'aménagement, mais qu'on ferait un choix citoyen."

Ce qui suscite l'ire des automobilistes. "On leur prend leur espace... On nous a souvent traités d'inconscients", raconte celle qui se réjouit de voir la pratique du vélo se normaliser dans les rues de la capitale. "Le bakfiest attire les regards et l'intérêt. De plus en plus de personnes nous posent des questions." Et d'espérer que, sous la pression du nombre croissant d'usagers, les infrastructures se voient adaptées en leur faveur.

-----
Vidéos:
Johanna Pierre

Photos:
Johanna de Tessières

"Brussels by bike" fait la promo du vélo

Si vous souhaitez être tenu au courant de ce qui se fait à Bruxelles pour les deux roues, Brussels by Bike est là pour vous servir ! Le site internet, lancé par un groupe d'amis convaincu de l'aspect pratique du vélo, a la volonté de créer une image positive de la mobilité à Bruxelles et de valoriser la culture du vélo et en inciter l'usage. Et il le fait plutôt bien !

Visite guidée de la capitale, réparateurs et ateliers "Do it yourself" (DIY, dans le jargon), livraisons, astuces et bons plans, matériel, tout est fait pour renseigner les cyclistes, en herbe ou avertis, quant aux possibilités et facilités que leur offre la ville.

Des portraits de cyclistes sont dressés, histoire d'en inspirer d'autres. C'est notamment le cas d'Abdelillah, l’électricien qui propose un service zéro émission (voir photo ci-contre) ; de Céline et Florent, amoureux du "bakfiest" ; de Géraldine, adepte du "bike-polo"; de Kardama, le coursier ultra-rapide ou encore des élèves de l'Ecole Fondamentale Saint-Joseph Boondael d'Ixelles qui ont troqué le bus pour le "fietsbus" afin de parcourir les quelques kilomètres qui les séparent de la piscine.
En savoir plus : http://www.brusselsbybike.com/
Crédit photo : brusselsbybike.com