Sport2Be

Un bond vers l'emploi !

Sport2Be fait du sport un levier vers l'emploi. En proposant des activités de foot, basket et danse aux jeunes des quartiers précarisés, ses fondateurs entendent faciliter leur insertion socioprofessionnelle.

Par Valentine Van Vyve

Dans la salle de sport de l’école anderlechtoise Notre-Dame-Willemijns, les ballons résonnent en frappant le sol. Point de cours, pourtant, ce samedi matin. Mais depuis que les températures fraîches et la pluie ont repris leurs droits, les joueurs de basket de l’association Sport2Be (S2B) s’y entraînent hebdomadairement.
Une petite vingtaine de jeunes de 15 ans, dont une courte majorité de filles, s’exercent à dribbler d’une main puis de l’autre. Les plus aguerris tentent même un tour de passe-passe entre les jambes. Quand ils n’ont pas les yeux rivés sur le ballon, c’est le coach qu’ils regardent et écoutent avec la plus grande attention.

Après avoir misé sur le fundraising pour soutenir les associations d’aide à la jeunesse et sportives, MW Fund est devenu Sport2Be et, ce faisant, a choisi de s’installer, il y a un an, dans les quartiers précarisés des communes bruxelloises d’Anderlecht et de Molenbeek. “On manquait de terrain et d’un ancrage local dans le milieu de la jeunesse et du sport”, entame Jill Boon, cofondatrice et manager opérationnel de l’association. Cet ancrage est essentiel tant il porte en lui les gages d’adhésion de la population à qui l’association entend s’adresser.

Le quartier, à l'échelle de ces enfants, c'est un monde. Qu'ils ne quittent pas ou peu. Sport2Be va donc à eux. Au Peterbos, à Verdi ou à la gare de l'Ouest, l’association se retrouve "au cœur des quartiers" avec un succès démontré par un premier chiffre : un an après le lancement de ses premières activités sportives (basket, foot et danse) organisées gratuitement tous les mercredis et samedis, Sport2Be a embarqué avec elle 342 jeunes, dont 30% de filles. Le tout avec une belle mixité culturelle, « représentative des quartiers dans lesquels nous nous trouvons », complète Jill Boon.

Des quartiers multiculturels dans lesquels vit un public fragilisé et précarisé.

« Les premiers à souffrir d'une crise, ce sont les publics vulnérables. Celle du Covid n'échappe pas à la règle. On voit venir des jeunes qui jouaient dans des clubs l'an dernier, mais dont les familles n'ont plus les moyens de payer les cotisations. »
Jill Boon, cofondatrice de Sport2Be

Le Baromètre social 2019 démontre d’ailleurs que la pauvreté concerne de plus en plus de Bruxellois, et ce dans toutes les catégories d’âge.

L'inspiration hexagonale

Si Sport2Be est une initiative unique en Belgique, puisque son domaine d'activité intègre le sport, l'insertion sociale et l'insertion professionnelle, ses fondateurs ont pu s'inspirer de ce que fait depuis 1998 l'association française Sport dans la ville. "Nous n'avons pas réinventé le fil à couper le beurre", admet Tanguy Neve. Si ce n'est pas un copier-coller à l'identique, puisque S2B a adapté son projet aux spécificités et contexte belgo-belges, l'association a bénéficié de la large expérience de sa grande sœur de l'H exagone. "Nos contacts et nos collaborations nous ont fait gagner des années", reconnait d'ailleurs Jill Boon.

"Si tu ne marques pas, tu nous emmènes à Lyon !"

La crédibilité de Sport dans la ville a certainement un impact favorable sur Sport2Be. Imen, coordinatrice de la section foot, en est l'exemple. La jeune femme a eu envie de s'y impliquer notamment pour les liens étroits que nouent les deux associations et la confiance qu'elle prêtait à Sport dans la ville. Et de lancer à Tanguy Neve, alors que celui-ci se glisse dans la file d'exercice de tir au but sur le petit terrain synthétique du quartier Verdi : "Tanguy, si tu ne marques pas, tu nous emmènes à Lyon !", berceau de Sport dans la ville.

C'est en effet là que tout a débuté, avant que l'association ne grandisse et devienne la principale association d’insertion professionnelle par le sport en France. Sa mission est d’offrir un tremplin aux jeunes en les accompagnant dans leur éducation, leur orientation et leur entrée dans la vie active. Au travers de ses actions, elle souhaite ainsi permettre à chaque jeune "d'acquérir une confiance en soi et des valeurs indispensables à sa réussite à venir : respect, engagement, ouverture d'esprit, persévérance, exigence et travail", peut-on lire sur le site internet de l'association. Le nombre de jeunes est en constante augmentation et en touche actuellement 7 000, répartis dans 46 centres sportifs. « Ils en sont bien plus loin que nous, explique Jill Boon, notamment sur le programme L dans la ville, dédié aux filles ». L’ancienne internationale belge de hockey sur gazon met un point d’honneur à ce que les filles aient leur place dans le programme proposé par Sport2Be.

Des valeurs plutôt que la performance

Rania et Nassira sortent de l’entraînement tout sourire. Si la première a commencé le basket cette année, après avoir fait un an de foot, la seconde joue aussi en club et veut se donner toutes les chances de progresser. Le cadre mis en place par Sport2Be y concourt.

"Nous mettons un point d'honneur à ce que les infrastructures et le staff soient de qualité."
Jill Boon, cofondatrice de Sport2Be

"Les terrains mis à disposition par les autorités publiques communales sont neufs ou presque. Nous l’exigeons pour plusieurs raisons : valoriser le jeune, le responsabiliser et l'attirer vers nos activités", poursuit Tanguy Neve, cofondateur et président de Sport2Be.

Par contre, ce n'est pas la performance sportive qui est ici recherchée. « L'ambiance est super et on y apprend le fair-play, l'esprit d'équipe et le respect », commente Nassira. Soit autant de soft skills ou de valeurs. "L'objectif n'est en effet pas de former des futurs champions mais de leur donner l'opportunité de faire du sport et de leur inculquer, par ce biais, des valeurs essentielles dans tous parcours de vie, et importantes ensuite dans le milieu professionnel", résume Tanguy Neve.

"Nous avons choisi le sport car il véhicule des valeurs d'engagement, d'effort, de persévérance, de respect de soi, des autres et des règles, de dépassement de soi, de politesse, de bienveillance."
Tanguy Neve, cofondateur de Sport2Be

Un tremplin vers l’emploi

Le sport est donc "un moyen". Pour arriver à quelles fins ? Outre les valeurs, le "pallier intermédiaire" est l'accès au sport pour les 6-18 ans dans un objectif de santé mentale et physique mais aussi d’intégration sociale. "Les jeunes viennent pour l'amour du sport et y trouvent un lieu de confort et d'écoute", commente encore Jill Boon. C'est par cette première accroche que débute l'accompagnement, si cher aux fondateurs de Sport2be.

"Dès l'arrivée d'un jeune, nous nouons le contact avec sa famille."
Jill Boon, cofondatrice de Sport2Be

Être au cœur des quartiers, c'est en intégrer les réalités. Le jeune est indissociable du milieu dans lequel il vit et des contraintes qu'il rencontre. Les connaître est nécessaire à ses coachs pour l'aider à surmonter les difficultés et à l’aiguiller.

Connaître le jeune, nouer avec lui et sa famille des liens de confiance permet de limiter “le danger de les perdre à l’adolescence”, estime Tanguy Neve. S’inscrire dans un temps long, voilà qui est par ailleurs “propice à la découverte de ses aspirations”, notamment professionnelles.

Car l'objectif final est l'insertion de ces jeunes sur le marché de l'emploi. "Nous voulons leur offrir un tremplin en les accompagnant dans leur éducation, orientation et entrée dans la vie active", explique Tanguy Neve.

"On ne les prend pas par la main mais, constatant les inégalités des chances et discriminations en termes d'accès à l'emploi, nous voulons leur donner des clés pour réussir leur insertion professionnelle."
Jill Boon, cofondatrice de Sport2Be

C'est ainsi que, dans la foulée de Sport2Be, Job2Be devrait bientôt voir le jour : une cellule d'accompagnement des jeunes jusqu'à leur première expérience professionnelle. « Il s'agira de les aider à rédiger leur CV, à trouver un stage en entreprise ou un job d'étudiant, précise Tanguy Neve. Mais aussi de leur donner des tuyaux et de les faire profiter de nos réseaux professionnels. » Contact a d’ailleurs déjà été pris avec une série d’entreprises partenaires, qui se sont montrées désireuses d’intégrer le projet d’insertion professionnelle.

"Basic-Fit est déjà partie prenante puisqu'ils nous soutiennent financièrement et mettent à notre disposition une salle et des profs pour les cours de danse. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est de voir leur enthousiasme à s'engager dans le volet d'insertion professionnelle. Il en va de la responsabilité sociale des entreprises", insiste Tanguy Neve.

Bilal, gamin des quartiers, de joueur à coach

A l’entame de l’année, S2B a elle-même intégré des jeunes des quartiers à son propre staff. « Ils connaissent le terrain, les gens, les codes », commente Tanguy Neve.

Bilal fait ainsi ses premiers pas en tant que coach-aidant. « C’est notre premier Alumni », se réjouit Tanguy Neve. Assidu aux entraînements de basket, le jeune homme de 17 ans a vite proposé son aide lors des entraînements des plus jeunes. « Déterminé et motivé », tels sont ses mots,  il « prend confiance » et se sent valorisé. C’est aujourd’hui une veste de coach qu’il porte sur le dos. « J’aime beaucoup mon travail, je suis formé pour devenir meilleur. Ce sera une expérience professionnelle à ajouter sur mon CV », commente-t-il, même si, bien loin des terrains de sport, il souhaite travailler dans le secteur de l’astronomie.

Imen, référence du foot dans les quartiers nord

Imen, étudiante de 20 ans en management sportif, a déjà une belle expérience professionnelle. Fille de Molenbeek où elle a grandi, elle coach les jeunes pousses du RWDM Girls depuis plusieurs années déjà. Aujourd'hui, elle coordonne la section foot de Sport2Be avec une énergie communicative. "Elle fait la promo du foot féminin", glisse Jill Boon. "Depuis que j'occupe cette fonction, je prends plus d'initiative, je m'améliore, j'apprends", commente la jeune femme.

Fort du soutien financier de la Fondation 4 wings, les fondateurs de Sport2Be entendent pérenniser leurs activités à Bruxelles, avant de développer le projet sur le territoire national.