Puisqu'on ne peut pas se serrer la main, serrons-nous les coudes

La solidarité s'organise sur les réseaux sociaux face au coronavirus. Nous vous proposons un tour non-exhaustif d'initiatives citoyennes, locale ou à plus large échelle.

Par Maryam Benayad

La crise sanitaire qui touche la planète entière aura au moins un aspect positif : elle suscite un élan de solidarité rarement vu auparavant. Si en Belgique, le confinement n’est pas un couvre-feu comme cela a été instauré dans d’autres pays, la règle générale est partout la même : restez à la maison.

Après la ruée vers les supermarchés, les citoyens sont donc priés de rester chez eux alors que les contacts physiques sont, eux, de plus en plus restreints lorsqu’ils ne sont pas, purement et simplement, interdits. Pour s’entraider et faire en sorte que le confinement ne donne pas lieu à des situations où la solitude rend le tout plus maussade, un message circule sur internet : #StayHome. Il a été créé et partagé dans la foulée des nombreuses initiatives nées aussi sur la toile, mais qui se font sentir surtout sur le terrain.

Parmi les plateformes et groupes créés “pour l’occasion”, “Solidarité Bruxelles Coronavirus”, lancé le vendredi 13 mars par 6 femmes et qui rassemble aujourd’hui plus de 10  000 membres.

Des groupes locaux existent également pour d’autres communes belges des différentes régions du pays, et les initiatives solidaires qu’on y retrouve se ressemblent et se compilent pour permettre une offre plus harmonisée et adaptée à toutes les demandes, qui affluent au quotidien.

“On essaie de penser à tout le monde”

Au sein du groupe bruxellois, les services sont partagés en sous-catégorie pour permettre à chaque membre de cibler ses demandes ou de proposer une aide en lien avec ses propres compétences. Culture, aide aux médias, infos pratiques, mesures sanitaires officielles, conseils économiques, aide aux personnes en situation précaire, soutien psychologique ou encore aide aux migrants. “L’offre est donc large et évolue au fil des demandes”, comme l’explique Ihssan, une des bénévoles à la base de ce groupe.

Les services proposés sont principalement des aides bénévoles, mais certains demandent une rémunération symbolique. “On accepte que certaines actions soient payées mais nous veillons à ce que cela soit symbolique car l’idée n’est pas de faire des affaires mais de rester solidaire. Les personnes qui demandent une petite rémunération le font principalement pour pouvoir acheter le matériel nécessaire à la confection d’outils pour les activités proposées.”

“Une bonne démonstration de solidarité”

Mais quelles sont les offres proposées ? Il y a, tout d’abord, des aides “classiques” comme les activités pour les enfants ou des services pour promener les animaux de compagnie. Des activités pour les seniors sont également mises en place comme la lecture en ligne de la part de bénévoles qui se connectent pour lire un chapitre d’un ouvrage choisi par les membres.

Autre initiative très saluée, la confection de masques en tissu (lire ci-dessous). Une opération rondement menée par quelques bénévoles, surtout des femmes qui ont fondé un groupe sur Facebook spécialement pour l’occasion. “En constatant la pénurie de masques, nous nous sommes dit qu’il fallait agir. On a l’impression d’être bloqué dans un système de consommation alors qu’on peut faire beaucoup de choses nous-mêmes”, explique l’une d’entre elle qui réclamait des consignes ou, au moins, des conseils spécifiques de la part du SPF Santé Publique. Consignes qui ont été communiquées depuis par le SPF. “Puisque nous pensons qu’il est important que cela se fasse de manière responsable, nous avons consulté des experts. Nous avons publié un modèle basé sur leurs directives. C’est une bonne démonstration de solidarité. Cela démontre également que de plus en plus de gens conscients de la situation”, explique Jan Eyckman, directeur de communication au SPF.

Des acteurs bruxellois organisent la production locale de masques

Face à la pénurie de masques de protection, la Région bruxelloise s’est mise en branle en soutenant un projet de production locale et participative porté par une série d’acteurs bruxellois. Emmanuel Mossay, spécialiste de l’économie circulaire pour EcoRes, est à la base de cette initiative citoyenne. Dans son sillage, il a emporté un consortium d’entreprises (TRAVIE-EcoREs-MAD, en partenariat avec l’Institut Jeanne Toussaint - Arts & Métiers / Section Habillement , Dutra, Urbike et Be Connected) et de citoyens bénévoles. 

Une chaîne de production a ainsi vu le jour selon une approche décentralisée collaborative : elle commence dans l’entreprise de travail adapté TRAVIE, où les travailleurs prédécoupent les tissus. Dès lundi après midi, les kits individuels permettant de confectionner une cinquantaine de masques chacun seront acheminés par les coursiers à vélo de Urbike vers des couturiers bénévoles bruxellois. En temps de confinement, « les bénévoles mettent leur temps profit et canalisent leur énergie », motive le coordinateur du projet « Masques-coronavirus.brussels ». 

« Les premiers masques devraient être récupérés par Urbike mardi soir », poursuit Emmanuel Mossay. S’en suivra un contrôle qualité et une dernière stérilisation avant d’être distribués en priorité aux « maisons de repos, au secteur du sans-abrisme et des services d’aide et de soins à domicile pour protéger les personnes asymptomatiques et réduire la transmission », explique le ministre bruxellois de la Santé, Alain Maron (Ecolo).

100.000 - l'objectif est de produire 100.000 masques le plus rapidement possible. A priori, une dizaine de jours seront nécessaires.

« Cette structure agile permet de respecter les mesures sanitaires prises par le gouvernement et de démultiplier le nombre de personnes pouvant produire des masques », croit Emmanuel Mossay. A l’heure d’écrire ces lignes, ils étaient presque 350 et « devraient atteindre les 500 en fin de journée », estime-t-il. L’objectif est de produire 100.000 masques nettoyables et réutilisables en un minimum de temps. 

La perspective d’une économie relocalisée

« Cela permet de reprendre la main sur la production et d’éviter toute dépendance », motive encore Emmanuel Mossay. Il vente la perspective d’une économie circulaire et relocalisée, avec toute la  résilience que ce modèle apporte. 

Le son de cloche est le même auprès de Barbara Trachte, Secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de la Transition économique : « En soutenant cette initiative, nous répondons aux besoins en termes de masques, mais nous envoyons également un premier signal fort au niveau du redéploiement économique qu’il s’agira de mettre en place dès que la crise sera terminée. En effet, produire localement pour des besoins locaux est non seulement indispensable pour l’environnement et l’économie, mais c’est aussi vital en cas de crise, lorsque les ateliers de production massifs à l’autre bout de la planète ne sont soudain plus en mesure de répondre à nos besoins essentiels. »

« La priorité, c’est de répondre à la demande urgente. Mais il est clair qu’additionnellement, cette expérience est un cas d’école qui sera riche d’enseignements pour le future », ponctue Philippe Lovens.

V.V.Vy.

Pour assurer cette production dans les plus brefs délais et répondre à la demande des secteurs, l’aide de volontaires à domicile est sollicitée. Le recrutement sera établi exclusivement via le Call Center aux numéros : FR : 02/519.22.85. NL : 02/519.22.86. Du lundi au samedi de 08h30 à 21h00

Quid de la fracture numérique ?

Comment communiquer avec une partie de la population alors que les mesures prises appellent à rester à la maison ? Les bénévoles rappellent que les mouvements sont limités et réalisés en bonne intelligence. D’autant plus que certaines personnes âgées ont parfois peur des contacts extérieurs ou n’ont pas internet.

Que faire donc pour surmonter la fracture numérique ? “Elle ne doit pas être un frein. Et la barrière des langues non plus. C’est pourquoi nous avons créé des prospectus à disposition du groupe pour qu’ils puissent être imprimés et déposés dans les boîtes aux lettres du voisinage. Cela permet de maintenir une communication tout en rappelant les mesures sanitaires, pour s’assurer que le message soit bien passé”, explique-t-on au sein du groupe qui rassemble des personnes de tout horizon, rappelant aussi que dans l’adversité, l’union fait la force. La plateforme rappelle d’ailleurs que toute personne qui désire donner un peu de son temps pour les autres est la bienvenue.

Du monde au balcon pour applaudir le personnel médical

Quand on n’est pas habitué à rester chez soi, il est difficile de trouver comment s’occuper sans tomber dans la déprime puisque les sorties sont limitées. Compliqué aussi de passer du temps avec sa famille ou ses voisins de façon ludique. Pour se joindre aux actions de solidarité organisées sur les réseaux sociaux, certaines personnes ont décidé de donner plus de rythme à leur quartier. Ainsi, en Italie et en Espagne, les citoyens confinés chez eux occupent les fenêtres et les balcons pour animer les rues de chants en tout genre.

Hymne national et chant traditionnel, tout ou presque est fredonné, parfois en solo, parfois en groupe.

Et en Belgique, les citoyens ont tenté de faire pareil chaque jour, à 19 heures Au son de leurs voix, à l’aide d’instruments ou de casseroles, en tapant des mains ou en agitant un message sur un carton ou un drap blanc, les citoyens sont invités à montrer qu’ils sont là. L’initiative est aussi née sur les réseaux sociaux sous le groupe “Make some noise for solidarity”. Certaines vidéos ont fait le tour des réseaux sociaux, montrant des artistes en herbe aux abords de leurs fenêtres. Mais le rendez-vous de 19 heures a rapidement été supplanté par un autre appel à la solidarité…

“Bravo pour les soins”

Les témoignages de médecins et infirmières se sont multipliés ces derniers jours, pour évoquer le travail titanesque sur le terrain et les sacrifices nécessaires pour pouvoir lutter contre le coronavirus. Des histoires émouvantes poussant les citoyens à entamer une sorte de campagne de remerciements visant l’ensemble du personnel médical mobilisé dans les cliniques et hôpitaux, dans les maisons de repos mais aussi celles et ceux qui continuent de prodiguer des soins à domicile aux personnes plus âgées.

Fortement suivi, l’appel qui a été lancé en France et aux Pays-Bas a donné lieu à de belles images et vidéos partagées via le hashtag #bravopourlessoins à suivre sur Twitter.

Cette nouvelle action prend de plus en plus d’ampleur et s’est invitée dans les fenêtres et les balcons aux quatre coins de la Belgique. Depuis quelques jours donc, les citoyens se réunissent chaque soir à 20 heures pile pour, tout simplement, remercier le personnel médical, à savoir les médecins, les infirmiers et les aides soignantes, véritables soldats envoyés au front pour soigner et sauver des vies, parfois au péril de la leur.

Rendez-vous pris ce soir et tous les soirs. Dès 20 heures donc, restez à la maison et occupez vos fenêtres et vos balcons pour faire du bruit et redonner un peu de vie aux rues de plus en plus vidées par la crise sanitaire que traverse la planète entière.

La Libre vous permet de vous joindre à ces actions en vous permettant de laisser un message de remerciement ou d’encouragement à tous ceux qui travaillent en milieu médical.

Tous vos messages seront affichés sur notre site et transmis à l’ensemble du personnel médical.