Les Capucines,
une épicerie pas comme les autres

©Jean-Luc Flémal

©Jean-Luc Flémal

Chaque mardi et vendredi matin, l’épicerie sociale Les Capucines ouvre ses portes aux moins fortunés dans les Marolles à Bruxelles.
Dans ce magasin miniature, les clients s’approvisionnent décemment à moindre prix.
C’est aussi un lieu où des liens se tissent…

Reportage 

Lauranne Garitte

Ce mardi matin, au cœur des Marolles, dans la cour d’une ancienne école primaire, quelques personnes attendent, une tasse de café à la main. Dans quelques minutes, elles pourront faire leurs courses à l’épicerie sociale Les Capucines. L’ambiance est bon enfant, l’humour est au rendez-vous. Les dix premiers clients peuvent entrer dans le magasin. « Dès que quelqu’un arrive ici, c’est un vrai client. Il vient poser des choix pour acheter ce dont il a besoin et envie. C’est une dynamique différente des banques alimentaires où les bénéficiaires sont plus passifs », introduit Emilie Many, directrice de l’asbl.

Les Capucines, c’est une épicerie qui permet à des personnes en situation précaire de s’approvisionner en produits alimentaires et non-alimentaires à moindre coût.

« En donnant accès à une consommation de qualité et variée, cette épicerie agit sur la dignité des personnes, leur santé et leur moral. »
Emilie Many, directrice de l’asbl

Viennent ici des familles ou des personnes isolées qui sont suivies par des services sociaux bruxellois partenaires de l’asbl, qui ont décrété que l’épicerie serait une bonne alternative pour eux.

C’est l’heure, pour le deuxième groupe, d’aller faire ses courses. Monsieur Louis, un habitué, explique les différentes étapes à suivre : présentation de la carte client à l’accueil, inscription, entrée dans le magasin, puis présentation du ticket de caisse à la sortie. Dans quelques semaines, Monsieur Louis devra s’approvisionner autrement pendant trois mois, pour mieux revenir ensuite : « Nous faisons une tournante pour donner la chance à tout le monde de venir acheter dans notre épicerie », explique Emilie Many.

Bien plus qu’un magasin

Nordine, responsable du magasin, travaille dans l’épicerie depuis 15 ans. Au centre du magasin, fidèle au poste à sa caisse, le sourire aux lèvres, il fait la causette avec les clients. En le voyant, on se dit que Les Capucines, c’est bien plus qu’un magasin. C’est un moment social qui structure la semaine des clients. « Qui veut de bons œufs de Pâques en chocolat ? », lance-t-il en plein mois de juillet. Certaines fins de stocks atterrissent ici, nous rappelant que nous sommes dans une épicerie pas tout à fait comme les autres. « Toutes les marques devraient faire cela plutôt que de les jeter », lance d’ailleurs une cliente.

Aux Capucines, on trouve tout ce qu’il y a en grande surface, mais en plus petite quantité. Le principal et premier partenaire du projet est Carrefour, qui donne certains invendus à l'asbl depuis 15 ans, ou qui offre la possibilité à certaines associations de commander à moindre prix. La particularité de cette épicerie est qu’elle ne contient pas que des produits de première nécessité. Il y a aussi des produits qui font plaisir.

« Nos mots clés sont ‘budget, santé, plaisir’. On veut que les clients se sentent comme tout le monde et se fassent plaisir avec une alimentation variée. »
Emilie Many

Côté budget, les prix varient bien entendu en fonction du prix d’achat. En moyenne, les produits sont trois fois moins chers : une boîte d’œufs à 0,85€, du pain complet au même prix. Mina, 50 ans, repart avec 8 pièces pour un montant de 5,40€. « J’achète aux Capucines ce dont j’ai besoin. Et ce que je ne trouve pas ici, je le complète chez Aldi, mais c’est plus cher », témoigne cette cliente qui vient depuis deux ans.

Pendant ce temps, Andrée, dans un coin du magasin, semble concentrée : « J’ai travaillé comme aide-soignante toute ma vie, et ma pension est très basse. Avec 1000€ par mois, il faut que je calcule tout. Grâce à cette bonne organisation, je peux de temps en temps me permettre d’acheter de la viande ou un peu de chocolat. »

En quelques chiffres

Cette année, 438 familles sont venues une fois par semaine à l’épicerie Les Capucines, soit 1 500 personnes comptabilisant 4 152 actes d’achats.

60% des clients sont isolés ou isolés avec enfants alors que 40% sont en ménage.

30% des clients sont au chômage, 30% au CPAS, 15% à la mutuelle, 15% sont pensionnés, 9% travaillent, 5% sont sans revenu.

« L’épicerie a changé ma vie »

Chaque année, près de 2000 personnes viennent à l’épicerie sociale. Parmi elles, Francesca, 48 ans : « J’ai travaillé dans une grande usine à mes 18 ans. Comme je suis diabétique, je faisais souvent des malaises. Ils n’ont donc plus voulu de moi. J’ai décidé de lancer mon propre magasin car personne ne voulait m’engager avec ma maladie, mais je suis tombée en faillite forcée. Depuis, je ne travaille plus, alors que j’adorais ça. »
Si cette Espagnole fait ses courses à l’épicerie sociale, c’est grâce à son médecin : « Il m’a parlé de cette épicerie. Suivre un régime diabétique, cela coûte cher. Comme mon argent part dans l’alimentation et la santé, je ne peux plus me faire plaisir. Je suis prisonnière à la maison. L’épicerie a changé ma vie : je peux acheter certains produits moins chers, et consommer davantage d’aliments biologiques dans les grandes surfaces. Grâce aux bas prix de l’épicerie, je peux même me permettre certaines sorties. Les clients de l’épicerie sont devenus comme une famille pour moi, et mon diabète a baissé depuis que je viens ici. »

Une autre précarité

Comme Francesca, nombreux sont les clients des Capucines qui parcouraient paisiblement leur petit bonhomme de chemin (ils étaient comptables, indépendants, vendeurs…), jusqu’à ce qu’un événement chamboule tout (une faillite, un licenciement, un accident de travail, une maladie lourde).

« Ce n’est pas toujours la précarité telle qu’on l’imagine. »
Emilie Many

Les derniers clients finissent leurs courses. La cour se vide. Et chacun retourne chez lui avec, dans son sac, de quoi cuisiner quelques repas pour la semaine, ainsi que l’un ou l’autre plaisir gustatif. En attendant la semaine suivante…

Vidéos : Valentine Van Vyve
Photos : Jean-Luc Flémal

Une épicerie, plusieurs missions

Au-delà de l’épicerie, l’asbl Les Capucines mène d’autres missions.

La formation : l’asbl offre une expérience professionnelle et formative à plus de 20 travailleurs en insertion socioprofessionnelle par an. Cette formation d’un an concerne principalement le métier de réassortisseur.

Alimentation : L’équipe des Capucines organise tout au long de l’année des activités autour de l’alimentation équilibrée telles que des dégustations, des ateliers cuisine pour petits et grands, des fiches explicatives, des conseils, etc.