Louer des robes chics en étant écologique

©Jean-Luc Flémal

©Jean-Luc Flémal

Marie Berlier et Isabelle d’Otreppe ont fondé à Bruxelles “Coucou”.
Une boutique de location de robes et accessoires pour des événements.
Leur philosophie ? Allier mode dans l’air du temps et économie circulaire.

Reportage 

Stéphanie Bocart

“Comment te sens-tu dans cette robe ?”, s’enquiert avec bienveillance Isabelle d’Otreppe. Sortie de la cabine d’essayage, Doris, vêtue d’une longue robe bustier rouge et blanche, s’observe dans le miroir. “Elle est légère. Ça me rassure pour samedi car il va faire très chaud”, répond la jeune femme, invitée pour la première fois à “un mariage noble”“Mais tu n’es pas convaincue”, perçoit Isabelle, qui file aussitôt en rayon lui chercher d’autres modèles. 

Voici un an que la boutique Coucou a ouvert ses portes place du Châtelain à Ixelles. Précédé d’un coquet patio, le magasin au toit de verre accueille ses clientes par un avenant “À la recherche d’une robe ? Essayez la location” écrit en lettres blanches sur un tableau noir. Chaleureuse, la décoration du lieu invite à la détente – deux petits transats aux motifs fleuris garnissent l’entrée – et au bien-être.

Dans un sous-sol saint-gillois

À sequins, brodées, en dentelle, sophistiquées, élégantes, longues, courtes, décolletées… Des centaines de robes à porter lors d’une occasion (mariage, baptême, cocktail, soirée de travail, gala, bal…) sont rangées sur des portants par tailles et par couleurs. “Coucou a démarré il y a quatre ans, en juillet, dans les 40 m2 de mon sous-sol à Saint-Gilles, raconte Marie Berlier. Avec une amie, nous étions jeunes mamans et nous avions envie de changement. Quelqu’un nous a soufflé l’idée des robes en location, qui existait déjà en France et dans d’autres pays, et nous avons commencé sans business model ni business plan ni investissement, avec notre propre réseau et les réseaux sociaux”.

À l’époque, leurs copines viennent déposer leurs robes “et elles touchaient 30 % par dépôt”. “On pensait qu’il y aurait deux vagues clientes qui viendraient par pitié louer une robe, mais, en fait, très vite, le bouche-à-oreille a fonctionné et on a compris que ça répondait à un besoin.” À tel point que “nous sommes arrivées à saturation : il y avait des files d’une heure pour essayer les robes”, se souviennent les deux jeunes femmes.

“On a économisé 64 tonnes de CO2

Mais plus qu’une simple enseigne de location de robes, Marie et Isabelle, qui aiment toutes deux la mode, souhaitaient avant tout mener “un projet qui a du sens”

“Le textile est le deuxième secteur le plus polluant au monde après le pétrole. Et la production d’un vêtement émet vingt fois son poids en gaz à effet de serre.
Isabelle d'Otreppe, cofondatrice de Coucou

Chaque robe qui est louée plutôt qu'achetée participe à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, l’année dernière, en considérant que chaque cliente qui a loué une robe chez Coucou en aurait acheté une, on a économisé 64 tonnes de CO2 !” 

“C’est un peu notre mission secrète : toute personne qui loue, n’achète pas. Même si une cliente loue telle robe parce qu’elle l’avait repérée, en attendant, elle ne l’a pas achetée et notre pari est un peu gagné.”
Marie Berlier, cofondatrice de Coucou

Les deux jeunes entrepreneuses sont bien conscientes que leur clientèle (plus de 6 000 clients) – principalement des femmes âgées de 18 à 50 ans originaires de la région bruxelloise – ne compte pas “les plus grands activistes en matière d’économie circulaire et d’écologie”“C’est donc d’autant plus intéressant et chouette pour nous de toucher un autre public, qui n’est, de prime abord, pas conscientisé à ces problématiques-là.”

À l’image de Doris, qui apprend, lors de ses essayages, la démarche écoresponsable dans laquelle s’inscrit Coucou. “Je l’ignorais jusqu’à présent, mais c’est encore mieux !”, se réjouit-elle. Lore, accompagnée de son amie Christel, est, elle, déjà venue plusieurs fois à la boutique, séduite par ce double enjeu de louer une jolie robe à petit prix tout en protégeant la planète. 

“Mettre 300 à 400 euros pour une robe qu’on ne va porter qu’une seule fois, ça n’a plus vraiment de sens.” 
Lore, cliente

“Louer chez Coucou, c’est donc une bonne idée.” “Et il y a vraiment de quoi trouver son bonheur”, estime Christel.

Contrer la "fast fashion"

Avec un stock de 900 robes et de multiples accessoires (chaussures, pochettes, headbands,…), Marie et Isabelle veillent tout particulièrement à proposer des pièces tendance et dans l’air du temps. “Nos robes sont en parfait état et datent toutes d’il y a trois, quatre ans grand maximum. Sauf si ce sont des intemporels comme une combi smoking Yves Saint Laurent noire", explique Marie. 

“85% de notre stock se compose de robes qui n’ont été portées qu’une ou deux fois : nous rachetons 45 % sur propositions de nos clientes et 40 % en seconde main extérieure.
Marie Berlier, cofondatrice de Coucou

Pour compléter l'offre, 5-10 % des vêtements sont neufs afin d’avoir quelques it-pièces”, précise-t-elle.

Les robes valent de 150 à 3 000 euros, pour une moyenne de 400 à 500 euros. Marie et Isabelle les acquièrent dans des prix allant de 30 à 250 euros et les louent à partir de 50 euros pour un week-end (pressing compris). “Pour nos clientes, il faut qu’il y ait quelque chose d’intéressant au niveau du coût, assure Marie. C’est en effet compliqué de se dire qu’on va louer une robe alors qu’on pourrait l’acheter pour quasi le même prix”.

L’un des objectifs de Coucou est, en effet, de “contrer 'la fast-fashion'”, qui produit à tout va et de qualité moindre afin de pousser à la consommation tandis que les invendus sont massivement détruits – en Europe, quatre millions de tonnes de textiles sont jetées chaque année ! “Avec tout le matraquage dans les magazines et sur les réseaux sociaux, il y a ce besoin de changer tout le temps de vêtements.” 

“Notre modèle devait proposer un mélange entre ce besoin de changement permanent et une démarche écologique, mais sans faire l’impasse sur le look.” 
Isabelle d’Otreppe, cofondatrice de Coucou

“Avec Coucou, on peut se faire plaisir en étant écolo, enchaîne Isabelle. On n’est pas obligé de mettre un sac en toile de jute pour consommer le textile de manière écologique.”

Entretenir le textile prolonge sa vie

Leur philosophie imprime tout le concept de leur projet puisqu’il s’articule en différents cycles de vie.

“Pour chaque pièce, nous avons également un contrôle qualité afin de les maintenir en bon état : une couturière effectue les réparations – un textile bien entretenu a une longue durée de vie, ce qui est aussi écologique – et le pressing n’utilise aucun produit chimique, reprend Marie. Et lorsque l’on doit renouveler notre stock, on organise une braderie et ça fait encore plaisir à plein de monde.”

Enfin, outre la location, Coucou propose à la vente des accessoires (bijoux, headbands, huiles pour la peau) de créateurs de proximité, “fabriqués pour moitié avec des matériaux de récupération”.

En pleine expansion (le chiffre d’affaires de Coucou est multiplié par 2,5 chaque année), la petite entreprise est amenée à évoluer à “moyen et long terme”. Dans un premier temps, Marie et Isabelle souhaitent “agrandir la gamme en location et vente d’accessoires”. Ensuite, elles comptent s’attaquer à la digitalisation de leur stock, soit la création d’un catalogue en ligne des différents articles proposés afin que les clientes puissent les commander et être livrées chez elles, “tout en ayant un impact environnemental le plus faible possible”.

Vidéo : Christel Lerebourg
Photos : Jean-Luc Flémal

©Jean-Luc Flémal

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