Zéro déchets : des solutions en magasin

Zéro déchets : des solutions en magasin

Alors que l'humanité produit de plus en plus de déchets néfastes pour la santé et l'environnement, des initiatives pour promouvoir l'économie circulaire et réduire la quantité de déchets émergent en Europe. Les commerces cherchent eux aussi des solutions. Visite guidée chez The barn et Bio-Planet.

Reportage
Camille de Marcilly

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Une après-midi ensoleillée, place Saint-Pierre à Etterbeek, à quelques mètres de la station de tram, un petit jardin et deux tables accueillent les passants le temps d'une pause pique-nique agrémentée du chant des oiseaux. C'est là que le marché biologique The Barn (la grange) s'est installé début mai proposant quelques 500 références, fruits, légumes, céréales, noix, café,huiles, fromages, œufs...

Deux jeunes entrepreneurs, Quentin Labrique et Julien De Brower, anciens responsables d'un magasin d'une grande chaîne ont ouvert ce marché en accord avec leurs valeurs, respectueuses de l'environnement et de la "bonne alimentation". Leur devise : "La qualité se montre, elle ne s’emballe pas." Ici, une attention toute particulière est portée à la gestion des déchets dans les moindres détails.

Les déchets, un fléau pour la planète

Emballages. En Belgique, chaque habitant produit un kilo de déchets ménagers par jour mais aussi 3 500 kg de déchets industriels par an qui proviennent de la fabrication des biens de consommation. Selon le site officiel Belgium.be, un ordinateur génère ainsi 1 500 kg de “déchets cachés”. Cet essor des quantités de déchets n’a que des impacts négatifs : pollution, dommages pour la santé, coûts financiers de gestion. Pour les emballages, l’industrie, les producteurs et les commerces ont une part de responsabilité importante dans la réduction de ces déchets. Depuis 2010, 80  % des emballages doivent être recyclés mais cette solution n’est pas la panacée. Les ONG le martèlent : le meilleur déchet est celui qui n’existe pas.

Gaspillage alimentaire. La Belgique se situe dans le trio de tête des mauvais élèves selon des estimations européennes de 2010. Le gaspillage représente 345 kilos de nourriture par personne et par an. Dans le monde, un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est perdu ou gaspillé chaque année, soit 1,3 milliard de tonnes. En Flandre et en Wallonie, un plan de réduction des déchets dont un volet important est consacré au gaspillage alimentaire a été lancé. De son côté, la Région bruxelloise a mis en place la stratégie Good Food qui vise la totalité de la chaîne alimentaire avec pour objectif de réduire le gaspillage de 30 % d’ici 2020.

Récupérer pour éviter de jeter

Dès l'entrée, le beau bardage en bois fabriqué grâce à des palettes du caviste Nicolas qui occupait les lieux donne le ton. Jérom Gérard, le gestionnaire des déchets du marché bio, a conçu et monté lui-même les étagères, tables et meubles de caisse en bois grâce à des éléments récupérés. A 27 ans, Jérom a enchaîné quelques jobs alimentaires après des études artistiques. "J'ai toujours conservé du temps pour ma pratique, la sculpture", explique-t-il face à un mur brut recouvert de bois. Sa démarche artistique, professionnelle et personnelle ne font qu'un : "Je travaille beaucoup avec des matériaux que je récupère dans les rues de Bruxelles, c'est une facilité. En utilisant ce qu'il y a surplace, cela permet de ne pas se poser le problème du choix et d'éviter le gaspillage."

Jérom Gérard met à profit toutes les filières du recyclage. Ce qui n'est plus consommable passe au compost.

Au marché bio, Jérom a mis en place une série de solutions pour les clients : "Il y a des sacs en papier pour les gens qui n'ont pas prévu leurs propres sacs et nous vendons des sacs en coton réutilisables. Nous mettons aussi à disposition les cageots dans lesquels nous sont livrés les fruits et légumes."

Dans ce magasin, pas de sac plastique ni d'emballage, les fruits et légumes mais aussi tous les produits secs, des noisettes aux pâtes en passant par les lentilles et les biscuits, sont proposés en vrac, le client peut donc ajuster la quantité au gramme près grâce à des balances qui permettent de faire la tare. "Les clients peuvent venir avec leurs propres boîtes, tupperware ou bocaux en verre" y compris pour le fromage.

Les emballages, une responsabilité partagée

Au fond du magasin, entre les étals aérés et clairs où la nourriture ne monte pas jusqu'au plafond, Mathieu et Manon remplissent une bouteille d'huile. "Nous avons acheté une bouteille en verre pour la remplir d'huile, c'est pratique, on pourra s'en resservir." Pour Vinciane, mère de deux enfants, l'aspect pratique est l'un des atouts de ce marché bio.

"On peut choisir les quantités et comme les aliments ne sont pas emballés, ils coûtent moins chers."

Vinciane

Pour Jérom Gérard, si les citoyens font des efforts pour mieux consommer et limiter leurs quantités de déchets, les commerçants, au début de la chaîne, doivent participer à cet élan. "Il s'agit d'une responsabilité élargie, en tant que commerce, cela me semble évident que si on donne un emballage à quelqu'un, il puisse avoir des solutions pour s'en débarrasser ou que nous soyons capables de le réabsorber en interne."

Cette volonté de réduire la quantité de déchets dans les commerces implique une recherche attentive des fournisseurs qui n'emballent pas leurs denrées mais aussi une lutte contre le gaspillage alimentaire. Que faire des invendus ? A "The barn", Jérom met à profit "toutes les filières de recyclage. Nous avons deux étapes de tri, nous mettons les fruits et légumes de côté pour deux asbl, Recup'Kitchen et 123. Pour ce qui n'est plus consommable, on passe au compost." Pour Jérom, bientôt "maître composteur", les sacs orange en test à Bruxelles qui permettent de trier les déchets organiques, sont une bonne initiative mais pas la solution idéale car les sacs sont acheminés à 130 km de Bruxelles à l’usine de biométhanisation d’Ypres. "Cela génère du trafic et consomme de l'énergie, explique le spécialiste de la gestion de déchets. Le compost, il n'y a rien de plus simple et cela permet aussi de sensibiliser les clients."

Dans un recoin du jardin devant le marché trônent de grands bacs en bois où les déchets organiques se décomposent lentement.

"L'idée, c'est de redistribuer le compost aux clients qui ont des jardins ou des jardinières sur leurs balcons. Nous allons aussi entrer en contact avec des associations qui s'occupent de verduriser les quartiers et qui gèrent des potagers collectifs. Enfin,on peut l'utiliser nous-mêmes dans le jardin pour enrichir le sol."

Jérom Gérard, gestionnaire des déchets

A l'arrière du magasin, deux fûts de collecte de bouchons en plastique et de bouchons en liège attendent que des asbl les récupèrent. Ils serviront à fabriquer de l'isolation et favoriseront la réinsertion professionnelle, "si on peut allier la réduction des chets à une action sociale, on le fait !".

Moins d'emballages dans la grande distribution, c'est possible ?

Changement de décor à Uccle, dans le sud de Bruxelles. Sur un bâtiment d'une blancheur éclatante, le logo Bio-Planet se détache. Cette chaîne de supermarchés, filiale du groupe Colruyt, propose dans chaque magasin environ 6500 références labellisées bio. Le modèle de gestion des déchets d'un "petit" magasin comme "The barn" peut-il être mis en place dans les grandes surfaces ? Chez Bio-Planet, on est encore loin du tout en vrac et sans emballages mais des initiatives intéressantes permettent de réduire considérablement la taille de la poubelle des clients. "On tente de réduire le plus possible les emballages mais il faut toujours tenir compte des fonctions primaires d'un emballage: la conservation, la sécurité alimentaire, l'hygiène, le transport etc., explique Katrijn Claeys, responsable du magasin Bio-Planet de Mons. Mais nous avons l'intention de montrer l'exemple dans le secteur de la grande distribution. C'est possible de faire des efforts dans ce domaine."

Dans une grande surface comme Bio-Planet, des initiatives intéressantes permettent de réduire considérablement la taille de la poubelle des clients.

Toute une gamme de sacs

Chez Bio-Planet, la majorité des fruits et légumes sont proposés en vrac, non emballés, et si les clients ont oublié leurs propres sacs, "nous avons des sacs biodégradables fabriqués à base de féculents de maïs", précise Katrijn Claeys. Près de la chambre froide – très froide – le "comptoir traiteur" où les consommateurs "peuvent apporter leurs propres contenants afin de les faire remplir avec de la viande, du fromage, de la charcuterie, des préparations végétariennes etc."

A la caisse, toute une gamme de sacs "durables" est proposée, "des sacs en coton bio, des sacs bleus isotherme, des sacs à vélo et même des box pliables pour que les clients puissent rapporter moins d'emballages chez eux, poursuit la responsable de magasin. Nous mettons aussi des boîtes vides et des cagettes en carton à disposition de nos clients."

Toute une gamme de sacs "durables" est proposée.

Lutter contre le gaspillage alimentaire

Pour réduire la quantité de déchets, la chaîne de supermarchés a opté pour un système d'approvisionnement automatisé qui permet de gérer les stocks de manière efficace. En 2015, environ 95 % des fruits et légumes ont été vendus. Pour les 5 % restants, deux circuits sont mis en place pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Une banque alimentaire ou une organisation sociale locale travaille en partenariat avec chaque supermarché pour récupérer les denrées consommables et pour les fruits et légumes trop abîmés, le groupe Colruyt les transforme en nourriture pour les animaux. A Uccle, en coulisses dans le fonds du magasin, une zone de tri avec différentes conteneurs est installée. Pour Katrijn Claeys, ce n'est pas difficile de mettre en place des chaînes de tri ou delimiter les emballages, "c'est juste une autre façon de gérer les choses".

Vidéos :
Johanna Pierre

Photos :
Olivier Papegnies

Zoom

L'Opération Phosphore
Le Centre d’Ecologie Urbaine rassemble différents acteurs à larecherche de nouvelles formes de gestion de la ville issus de lasociété civile comme des associations et des habitants, desuniversités et des organes institutionnels. Au sein de cette plateforme, l'Opération Phosphore regroupe des universitaires, descitoyens, des commerçants comme The barn... "qui travaillent sur la faisabilité d’un système décentralisé degestion des matières organiques qui intégrerait le compostage décentralisé et/ou des solutions semi-industrielles." Ils envisagent plusieurs possibilités pour traiter ces déchets quicomposent 30 à 40 % de la poubelle, dans une optique de "résilience territoriale".