Foodwe en a soupé du gaspillage alimentaire

Foodwe en a soupé du gaspillage alimentaire

Les initiatives politiques ne suffisent pas à enrayer le gaspillage alimentaire et avec eux, le nombre de personnes ne mangeant pas à leur faim. Alors, Olivier Neufkens a lancé Foodwe. Il y met en lien les producteurs et transformateurs de nourriture qui veulent donner ou vendre à petit prix leurs surplus ou invendus, avec les associations qui font de l'aide alimentaire.

Reportage : Isabelle Lemaire
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Chaque année en Europe, près de 90 millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées, soit 179 kilos par personne, et ce alors que 42,5 millions d'Européens ne mangent pas à leur faim un jour sur deux. La Belgique fait partie des plus gros gaspilleurs avec 345 kilos de nourriture par an et par personne qui finissent à la poubelle.
Des initiatives politiques sont prises pour lutter contre ce gaspillage alimentaire. La Commission européenne propose, par exemple, de supprimer la TVA sur la nourriture récupérée et redistribuée.
Autre initiative dans ce sens, à l'échelle locale cette fois, la Ville de Herstal (province de Liège) conditionne depuis cinq ans le renouvellement des permis d'environnement des grandes surfaces au fait de faire don de leurs invendus alimentaires aux associations.

Avec 345 kilos de nourriture par an et par personne qui finissent à la poubelle, la Belgique fait partie des plus gros gaspilleurs.

Mais cela ne suffit pas à enrayer le phénomène. Alors, des citoyens passent à l'action. En 2013, le Bruxellois Olivier Neufkens faisait ainsi le constat suivant: "D'un côté, la pauvreté en Belgique ne se résorbe pas et des Belges n'ont qu'un accès limité à l'alimentation. De l'autre, il y a un important gaspillage alimentaire pour lequel on culpabilise pas mal les acteurs. Et puis, l'économie collaborative est en plein essor."
De quoi lui donner l'idée de lancer la plate-forme numérique Foodwe, qui a vu le jour l'année suivante. Celle-ci met en rapport producteurs et transformateurs de nourriture (la plate-forme ne travaille pas avec la grande distribution), qui veulent donner ou vendre à petit prix leurs surplus ou invendus, avec les associations qui font de l'aide alimentaire.

"Les associations s'engagent à récupérer elles-mêmes les marchandises données mais, dans le cadre de ventes à prix réduits, nous incitons les producteurs à leur livrer leurs produits", précise le fondateur de Foodwe. Afin d'également prendre en compte la réalité environnementale du gaspillage alimentaire, "nous privilégions les surplus locaux à destination d'acteurs locaux."

"Notre outil est gratuit pour ses utilisateurs et Foodwe ne prend aucun bénéfice sur les transactions. L'ASBL fonctionne exclusivement avec des bénévoles", précise encore Olivier Neufkens. En quatre années d'existence, la plate-forme a permis de récolter et de redistribuer plus de 300 tonnes de nourriture (viande, charcuterie, fruits et légumes "moches"...), autant de produits dont la date de péremption est proche. "Mais ce volume est anecdotique par rapport au total des invendus", insiste Olivier Neufkens.

Agriculteurs, bénévoles et bénéficiairesles mains dans la terre

Les opérations de glanage organisées chez les agriculteurs font partie intégrante de la mécanique Foodwe.

"Ce sont les plus beaux moments car c'est une vraie rencontre entre les producteurs, les associations et les bénéficiaires ainsi qu'une prise de conscience"

Olivier Neufkens, fondateur de Foodwe

Olivier Neufkens espère donc voir de nouveaux agriculteurs rejoindre le mouvement.

C'est notamment le cas de Carine Vrancken. Cette année, la récolte des pommes de terre a en effet été abondante et cette agricultrice de Ossogne (province de Namur) savait qu'elle allait se retrouver avec un surplus sur les bras. Comme elle l'avait déjà fait en 2016 pour des carottes, elle s'est mise contact avec Foodwe.

Le glanage permet de récolter des aliments frais mais aussi aux bénévoles, aux membres d'associations et à des bénéficiaires de l'aide alimentaire de se rencontrer.

Le dimanche 15 octobre, des membres d'associations (Les Restos du cœur de Namur, l'Epicerie solidaire de Beauraing) et des bénéficiaires de l'aide alimentaire, dont des enfants placés par le juge, ont débarqué dans son champ pour récolter quelque 3 tonnes de pommes de terre. "Je ne serai jamais la fermière la plus riche du monde mais mon père, agriculteur lui aussi, s'investissait déjà auprès d'associations. Il m'a inculqué cela", glisse Carine Vrancken, un sourire aux lèvres.

Elle se remémore avec émotion la rencontre avec les enfants. "J'avais préparé des gâteaux. C'était très gai pour eux et un bonheur pour moi de savoir qu'ils allaient manger les pommes de terre qu'ils avaient ramassées." L'agricultrice confie encore que cette rencontre avec des gens en grande difficulté financière lui a ouvert les yeux. "Dans les villages, on sait que des gens ont moins de revenus. Mais on ne prend pas forcément conscience de la pauvreté qui existe dans les villes, où je ne vais que rarement. Ici, elle s'est incarnée."

Vidéo : Gilles Toussaint et Valentine Van Vyve

Trois questions à Patrick Dejace

Directeur de la Fédération des Restos du cœur de Belgique

Quelles sont les sources d'approvisionnement alimentaire des Restos du cœur et sont-elles suffisantes pour couvrir vos besoins ?
Les dons sont de trois catégories. Il y a les invendus, les produits déclassés de la grande distribution (Delhaize, Colruyt, Cora, Aldi Liège et Luxembourg,les boucheries Reynmans), les surplus (par exemple, un producteur de charcuterie qui nous donne des centaines de kilos de viande par semaine depuis six ans). Et puis, il y a les dons ponctuels, comme des carcasses de gibier après la chasse, 7 tonnes de pâtes Soubry ou cette proposition (refusée) de 2000 poules en fin de vie.
On ne sait jamais à l'avance ce qu'on va récupérer.
Nous avons connu une époque où les stocks se vidaient dangereusement mais cela fait près de deux ans que nous sommes assez bien approvisionnés. Je vois à l'avenir de moins en moins de dons issus d'invendus car, financièrement, ce n'est pas intéressant pour les enseignes d'en avoir. Et puisque le nombre de bénéficiaires des Restos ne diminue pas, au contraire, nous essayons de nouer des partenariats durables avec des donateurs.

Comment s'est faite la rencontre avec Foodwe ?
Par le biais de l'émission de la RTBF "On n'est pas des pigeons" qui nous a contactés pour savoir ce qu'on pensait de Foodwe. J'avais pointé quelques faiblesses comme son manque de capacité de stockage des produits. Foodwe a ensuite pris contact avec nous. Au départ, nous avons mis nos propres surplus sur sa plate-forme et des associations les ont récupérés. Maintenant, le partenariat est direct.

Ces opérations de glanage chez les agriculteurs, est-ce un vrai plus pour les Restos ?
Oui car les fruits et légumes restent une denrée rare pour nous en hiver. Les pommes de terre sont un produit que nous recherchons. Le glanage, c'est un beau projet car il créée du lien entre le fermier et nos bénéficiaires et que nous n'avons pas besoin d'acheter la marchandise. On nous dit souvent: "Comment puis-je aider les Restos ?". Voilà une façon de le faire pour les producteurs agricoles.