Au centre de la France,
pas des préoccupations

Plusieurs communes se disputent (gentiment) l’honneur
de se situer en plein milieu de l’Hexagone. A Vesdun et Nassigny,
on lutte contre la désertification rurale.

Reportage

La France – nul ne l’ignore – se situe au centre du monde. Mais où se trouve alors le centre de la France / du monde ?Plusieurs communes, du Cher et de l’Allier, revendiquent cet honneur. Mais Gérard Ciofolo, maire de Nassigny, 200 habitants et un inattendu parcours de golf, a tranché : “bien entendu, le seul, le vrai, l’unique, c’est celui qui se trouve chez moi. Cela me paraît relativement évident !”

D’ailleurs, en sillonnant la campagne, on finit par arriver à un monument tout simple en bordure de la route du Centre de la France : une plaque métallique représentant l’Hexagone, avec une petite Corse attachée dans le bas – toute la subtilité se trouvant dans cet appendice.

Parmi les villages se disputant le point, le très sérieux Institut géographique national (IGN) en retient deux : Nassigny dans l’Allier (en tenant compte de l’île de Beauté) et Vesdun dans le Cher (en cœur de France continentale).

Pour marquer le coup, elle aussi, la mairie de Vesdun a érigé, tout à côté d’un gîte – devinez son nom –, un monument plane représentant une France stylisée, réalisée avec 60 000 pastilles colorées d’émail de Briare. Au milieu, Vesdun est représenté par un petit cœur bien rouge. “Les touristes montent parfois dessus, pour se prendre en photo”, sourit le maire, Gilles Pointereau. Cette position géographique “nous apporte un peu de visibilité”, témoigne-t-il. La preuve, il a reçu “Paris-Match” il y a trois ans, et “Le Parisien” récemment. Mais, embraie Gérard Ciofolo, une vingtaine de kilomètres plus loin, “on ne peut pas dire qu’il y ait des retombées économiques.”

Au centre, mais loin de tout

Le cimetière de Vesdun.

La région bocagère, avec ses vieilles pierres de grès rose, ses charmantes petites églises, ses haies vives, ses arbres centenaires, a beau se trouver au centre du pays, elle reste assez loin du centre des préoccupations présidentielles. Gilles Pointereau, agriculteur céréalier, installé ici depuis 1975, aurait aimé que les “territoires ruraux bénéficient d’un peu plus de considération”. “Dans les campagnes, il y a de la misère”, dit-il.

“On est les oubliés de la République.”

Gilles Pointereau, maire de Vesdun.

A croire que le centre soit, en fait, excentré.

Pourtant, “on est quand même bien placé, sur un nœud autoroutier avec, d’un côté, l’axe Paris-Montpellier et, de l’autre, le Bordeaux-Lyon-Genève”, affirme Gérard Ciofolo.

“On pourrait se développer économiquement, si l’on ne rencontrait pas deux difficultés majeures. Un, on est très mal desservi d’un point de vue ferroviaire avec Paris, Lyon ou Bordeaux. Deux, le développement numérique laisse à désirer. On n’est pas encore à la 4G, loin s’en faut. Il y a des zones où l’on ne reçoit pas grand-chose.” Or, “quand je rencontre des entrepreneurs qui veulent s’installer, la première question qu’ils me posent, c’est qu’est-ce que j’ai comme connexion numérique ?” Gilles Pointereau abonde.

“La téléphonie, c’est la catastrophe ! C’est vraiment un handicap pour attirer les entreprises et garder les jeunes.”

Gilles Pointereau, maire de Vesdun.

À moins de pousser jusqu’à Montluçon, difficile de trouver du travail dans la région. “J’ai trois enfants, un à Biarritz, un à Nice et un à Paris”, égrène Gérard Ciofolo.

Une vie au calme

Le château de Saulzais-le-Potier.

Son bourg à lui ne compte plus aucun commerce, tandis que Vesdun se bat pour en maintenir quelques-uns. La coiffeuse vient de fermer son “Créatif” : garder un local n’était plus rentable, elle se contentera des domiciles. “Ce serait magnifique d’avoir une boulangerie et un bistrot, pour mettre de la vie et du lien, mais nous n’en avons plus”, regrette Gilles Pointereau. Il y a une épicerie en revanche, et un très bon restaurant dont le chef espère décrocher une étoile. “De plus en plus, pour maintenir un commerce, la commune doit être partie prenante. Qu’on ait les moyens ou non, il faut le faire. Mais il ne faut pas que ce soit un calcul économique, sinon vous fermez tout.”

La forêt des mille poètes, à Vesdun.

La forêt des mille poètes, à Vesdun.

La désertification rurale est une réalité, et les gens qui franchissent le pas de s’installer dans la région sont soit des retraités berrichons qui retournent aux sources, soit des gens qui recherchent la tranquillité. “Ils veulent qu’on leur fiche la paix, que les voisins ne soient pas trop près et qu’il n’y ait pas trop de nuisances sonores”, explique le maire, aux premières loges pour connaître des petites querelles de village – les histoires de poneys qui s’égarent, de chiens qui aboient et de voitures qui roulent trop vite.

Ils sont quelques-uns, les Belges, à avoir été séduits par la région, comme Paul et Sonja ou Gert et Jo, qui tiennent des chambres d’hôtes à Vesdun. “L’accueil est vraiment chaleureux ici”, insiste Gert, après avoir vécu dans le village voisin, où il l’était apparemment nettement moins. Au centre, mais au milieu de nulle part, “les gens sont très ouverts !”

Sabine Verhest
Envoyée spéciale aux centres de la France

Le long de la route du Centre de la France, à Nassigny.