Pavillon de direction

Le doigt dans l'engrenage

Entre le pavillon d’accueil et le bâtiment principal de musée, un petit palais passe souvent inaperçu aux yeux des visiteurs. C’est là que Guido Gryseels dirige l’Africa Museum depuis 2001. On retrouve un homme réaliste sur la situation du musée, mais surtout proche de ses équipes et aimant son institution. Après la rénovation, le succès est supérieur à celui escompté. Mais, de l’intérieur, c’est un réel état d’essoufflement que l’ancien économiste dépeint. C’est d'abord un problème politique qui est pointé du doigt : le secteur culturel et scientifique ne fait pas partie des priorités, « surtout depuis le gouvernement Di Rupo », commente-t-il.  En quatre ans, le musée a perdu un quart de son budget, soit une coupe de 14 % dans le financement du personnel, 28 % dans l’opérationnel et 28 % dans les investissements. Le personnel est tombé de 300 à 230 employés. Ces derniers sont divisés en deux catégories. D’une part, les spécialistes de la muséologie, responsables de la présentation, du lien avec le public. D’autre part, les scientifiques. Ceux-ci sont un peu moins d’une centaine. Ils sont eux-mêmes divisés en spécialistes des sciences humaines (histoire, anthropologie) et des sciences «  dures  » (biologie, géologie), et sont chargés de gérer les collections.

Certes, ils peuvent faire appel à des fonds privés, mais ils ne suffisent pas et doivent faire l’objet d’un contrôle lent et lourd. De nombreux projets, comme les expositions temporaires, ne peuvent plus être conduits. Les instructions sont d’utiliser l’argent courant des deux années précédentes pour préparer de tels projets. Mais c’est peine perdue, car les fonds ne sont pas suffisants. Tout comme le personnel qui n’est plus suffisant pour en assurer une bonne préparation.

Par sa localisation, l’institution ne peut bénéficier des aides de Bruxelles, contrairement à son homologue, le musée du Cinquantenaire, qui a obtenu un soutien de Beliris. Au niveau européen aussi les blocages sont nombreux. Guido Gryseels dénonce une application trop stricte des lois de l’UE, dénommées « SEC2010 ». Ces politiques culturelles limitent les dépenses des musées à 30 000 euros par an, ce qui mène, selon le directeur, à une perte totale d’autonomie du musée .

Les conséquences, c’est le musée dans son entièreté qui les subit. Souvent invisibles aux yeux des visiteurs, elles minent cependant le moral des employés, qui tentent malgré tout de garder la tête hors de l’eau et d’aspirer à un avenir plus radieux.

« Un système de restriction budgétaire général »

Sophie Wilmès et sa prédécesseur à la Politique scientifique, Zuhal Demir, lors d'une conférence de presse au Musée de l'Afrique, en mai 2018.

Sophie Wilmès et sa prédécesseur à la Politique scientifique, Zuhal Demir, lors d'une conférence de presse au Musée de l'Afrique, en mai 2018.

Sophie Wilmès lors d'une conférence de presse au Musée de l'Afrique, en mai 2018.

Sophie Wilmès lors d'une conférence de presse au Musée de l'Afrique, en mai 2018.

Face à cette situation et aux critiques émises, nous avons fait réagir la secrétaire d'Etat en charge de la Politique scientifique, qui détient en outre le portefeuille du Budget.

Sophie Wilmès signale que « nous sommes dans un système de restriction budgétaire général, qui n'est pas limité aux institutions scientifiques. De mémoire, aucun lieu scientifique n'a été plus ciblé qu'un autre ». Elle affirme également « comprendre la frustration. Avec ces coupes, la vie des établissements n'est pas facilitée. Mais les membres du Musée de Tervuren ne doivent pas oublier qu'on vient de rénover totalement le musée. Ce n'est pas vraiment la démonstration que le fédéral laisse tomber les instituts scientifiques… Mais sont-ils surfinancés ? Non. Et sont-ils dans une situation confortable ? Non. »

D'après la libérale, vu les difficultés budgétaires actuelles, le prochain gouvernement fédéral et les institutions scientifiques devront réfléchir à d'autres pistes de financement que l'argent public, afin de conserver l'accès à la culture et la qualité et l'expertise des chercheurs.

Les retards conséquents du Selor

Sophie Wilmès reconnait également que « la question de l'engagement de personnel pose problème. Les raisons ne sont pas toujours que financières. Parfois, l'argent est disponible, nous rencontrons juste des soucis d'engagement ».

En cause : la gestion du Selor, chargé de recruter les plus de 26 ans. « Des retards conséquents y sont enregistrés et les procédures de recrutement sont inadaptées à certains types de profil. J'ai récupéré cette matière en décembre (NdlR : suite au retrait de la N-VA du gouvernement fédéral) et je suis amenée à la gérer en étant en affaires courantes. Je n'ai donc pas le droit de prendre de nouvelles initiatives. Mais j'ai rapidement pris contact avec le Selor pour assouplir les difficultés rencontrées. Nous avons donc mis en place des procédures raccourcies et facilitées. Et nous avons adapté le niveau de reconnaissance des agents pouvant assurer certains recrutements. La donne n'a pas changé fondamentalement car ma capacité à agir est limitée. Mais j'ai fait ce que j'ai pu pour faciliter la situation là où c'est possible », assure Sophie Wilmès.

Le plan