Niveau zéro

Entre tension et précarité

Vendredi 10 mai, une semaine avant l'expulsion

En bas de la station de tram de la gare du Nord, caché par des grillages, se trouve ce qu’on appelle le « niveau zéro », dont les médias ont beaucoup parlé dernièrement. C'est dans ce lieu, fourni par le CCN et délaissé par les équipes de nettoyage, que dorment les exilés. C’est un grand hall, froid, entièrement vitré. Sur le plan sanitaire, la situation est très compliquée. Il n’y a pas de toilettes et des centaines de personnes sont entassées sur de petits matelas de fortune. L’ambiance est lugubre. L’odeur est forte, les poubelles débordent. Il y a même des pigeons qui volent dans le bâtiment, à la recherche de restes de nourriture.

Mehdi Kassou, porte-parole de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés

Quand nous arrivons au niveau zéro en compagnie de T., un Soudanais de 17 ans, des dizaines de regards se lèvent sur nous. Il faut dire qu’il y a beaucoup de tensions ici ces jours-ci. L’endroit a fait la une des médias suite à un déplacement des arrêts de bus De Lijn et Stib. Une équipe de journalistes de RTL-TVI a été invectivée assez agressivement. Pour cela, et par respect pour les personnes qui vivent dans ces conditions, nous avons décidé de ne pas sortir notre appareil photo. T. nous explique que beaucoup d’entre eux se sentent comme des animaux dans un zoo. Des gens sont venus prendre des photos de lui en train de dormir. Ils rigolaient, le traitaient de « monkey ». Pendant tout le temps que nous passons avec lui, il ne cesse de s’assurer que nous n’avons pas de caméra cachée.

« Si ma mère me voit sur des images, elle meurt. Je n’ai pas donné de nouvelles depuis que je suis parti. »

Malgré nos mains vides, notre arrivée est donc mal perçue. Très vite, un homme plus âgé crie en faisant des grands gestes. Le ton monte entre lui et T. « Je lui ai assuré que vous êtes mes amis, mais il dit que vous allez nous filmer, comme les autres. Je ne veux pas de problème ici. C’est mieux qu’on aille ailleurs. »