Urban Forests veut remettre la nature dans nos vi(ll)es

Armés de pelles et de leur entousiasme, les élèves des écoles de Péruwelz ont planté 1000 arbres dans un zoning industriel en construction. Une mini-forêt qui démontre que l'on peut concilier nature et activités économiques.
Et remettre un peu de "vert" dans nos vies quotidiennes.

Reportage 

Gilles Toussaint

Le vent glacial qui balaie la plaine ne semble pas avoir de prise sur l'enthousiasme des enfants. En ce mardi matin, un véritable ballet de pelles et de brouettes sur joue autour d'une petite parcelle de quatre ares. Sourires aux lèvres et langues bien pendues, ces jardiniers en herbe s'appliquent pour mener à bien leur devoir du jour : planter mille arbres.

Nous sommes à Péruwelz sur le site qui accueillera prochainement le zoning d'activités économiques Polaris. Issus de diverses écoles du coin, plusieurs dizaines d'élèves ont été rejoints par quelques curieux pour donner racines à ce projet porté par l'Intercommunale Ideta et l'entreprise Urban Forests.

« Le but est de recréer une forêt primitive », résume son fondateur, Nicolas de Brabandère. L'intérêt est multiple, poursuit-il : « On crée une zone tampon qui va permettre de diminuer le bruit et les nuisances visuelles liées aux activités économiques qui vont s'installer dans ce zoning industriel. Cet espace forestier va en outre rendre le cadre de vie plus agréable pour les gens qui y travaillent mais également pour le voisinage. Et puis, cela bénéficie à la protection des sols tout en ayant un impact positif sur la biodiversité et le paysage ».

Impliquer les enfants et la population locale contribue également à ce que ceux-ci s'approprient le projet, explique encore notre interlocuteur, visiblement réjoui par le succès de l'opération. « La dimension participative est importante car elle permet de créer ce lien. Les participants reviendront sans doute voir comment cette forêt grandit et s'y attacheront. Cela peut leur donner envie de mener des actions du même type chez eux, dans leur quartier ou dans leur entreprise. »

Une technique botanique venue d'Asie

Modeste par sa superficie, ce petit bosquet n'en sera pas moins un véritable concentré de nature. Pour le réaliser, Nicolas de Brabandère – biologiste et naturaliste de formation – s'est inspiré d'une méthode de culture mise au point par un botaniste japonais: la méthode Miyawaki. « J'ai découvert cette approche lors d'une conférence sur Internet et cela m'a fasciné. Je me suis rendu en Inde dans une entreprise qui l'utilise depuis cinq ans, où j'ai pu me former. Les résultats obtenus sont tellement impressionnants que j'ai décidé de venir la mettre en œuvre en Europe. Cela pousse dix fois plus vite ! En dix ans, on parvient à recréer un écosystème centenaire », s'émerveille-t-il.

« En dix ans, on parvient à recréer un écosystème centenaire ! »

A entendre notre interlocuteur, le principe serait finalement assez simple : copier la nature, puis la laisser faire. En étudiant le site et notamment la composition de son sol, « on est capable de comprendre quelle serait la végétation naturelle qui s'installerait spontanément à cet endroit. On sélectionne alors diverses espèces, uniquement indigènes, et on les rassemble en les plantant de façon très dense. Il y a aussi bien des arbustes que des arbres qui pourront atteindre une trentaine de mètres de haut. On reconstitue de cette façon une forêt à strates ».

A Péruwelz, des hêtres voisineront avec des chênes, des cornouillers, des sureaux, des aubépines, des charmes, des noisetiers et autres néfliers… Des plantations qui vont entrer en concurrence, mais aussi s'associer et coopérer via leurs racines et leurs microbiotes (les micro-organismes bactériens et les champignons présents dans lesol). « On se rend compte qu'en étant ensemble, ces espèces fonctionnent et se développent mieux », observe Nicolas de Brabandère.

Hormis un léger travail de préparation du sol pour faciliter la croissance de ce système racinaire, la méthode ne fait appel qu'à un peu d'humus, composé de paille, de broyat de feuilles mortes ou de fumier. « Il y a ensuite un suivi et un peu de nettoyage les deux premières années, le but étant que la forêt se développe ensuite de façon autonome. »

Faire cohabiter la nature
et les activités économiques

La plantation réalisée à Péruwelz est en quelque sorte une vitrine de la nouvelle politique d'aménagement des parcs d'activités économiques en Wallonie picarde, explique Saskia Bricmont, en charge du développement territorial au sein de l'Intercommunale Ideta.

« Notre souhait est de faire en sorte qu'il y ait une meilleure intégration de ces activités dans l'environnement et ne plus se retrouver avec des zonings bétonnés où il n'y a plus de biodiversité possible», poursuit la jeune femme.

Les entreprises qui viendront s'installer sur le site du Polaris devront ainsi s'engager à respecter une série de prescriptions dans ce sens. Cela peut se traduire par l'implantation d'une haie, de prés fleuris, d'une mare, de nichoirs ou encore de ruchers… au choix de l'entreprise.

Le petit bois planté par Urban Forests pourrait aussi à terme côtoyer un verger ouvert au public, alors que les bassins d'orage tout proches devraient être aménagés en bassins écologiques. D'autres aménagements sont également prévu pour permettre aux personnes travaillant dans le zoning de venir manger leur sandwich à l'extérieur, dans un cadre plus verdoyant.

« On constate que les entreprises sont demandeuses, poursuit Saskia Bricmont. Introduire la nature dans la vie quotidienne, cela rend le cadre de travail plus agréable et plus reposant. L'idée n'est pas d'opposer la nature d'un côté et les entreprises de l'autre, mais de les intégrer pour permettre une cohabitation harmonieuse. »

La plantation de ces 1000 arbres s'inscrit en outre dans le cadre du projet « Un arbre pour la Wallonie picarde » qui a pour objectif d'en planter 350 000 d'ici à 2025, soit un arbre pour chaque habitant de la région.

Réparer et relier

Le projet de Péruwelz a vu le jour grâce à l'intérêt du parc naturel de l'Escaut pour le travail du jeune biologiste et au partenariat avec l'Ideta qui a mis la parcelle de terrain à disposition.

Les mille arbustes ont pour leur part été financés par l'entreprise française Reforest'Action, qui propose aux citoyens et aux entreprises d'avoir un impact positif sur l'environnement en finançant des projets de plantation. « Nous nous attachons, par exemple, à la restauration d'écosystèmes en faisant du reboisement après un incendie ou sur des terres pauvres. Nous proposons aussi des actions de team building autour de ce thème dans les entreprises », explique son responsable de projets, Thibaud Poulain. Reforest'Action, qui avait déjà réalisé quelques opérations dans notre pays, a été séduite par l'approche d'Urban Forests et souhaitait tester la méthode Miyawaki.

« On associe la nature à des milieux lointains où on va aller le week-end ou en vacances. Moi, je pense que cette nature est nécessaire autour de nous tous les jours et que nous en avons besoin. L'objectif d'Urban Forests est donc de créer un meilleur équilibre entre les activités économiques et la nature. On veut montrer que l'on est capable de restaurer des espaces qui ont été abîmés et de créer un cadre de vie qui est plus intéressant pour tout le monde », souligne Nicolas de Brabandère.

Le projet-pilote de Péruwelz ne demande donc qu'à se multiplier. « Le but est qu'on propage cette vision partout ailleurs. Que les entreprises, les particuliers, les services publics s'y intéressent et que l'on se reconnecte à la nature en recréant un environnement plus naturel partout autour de nous. » Qu'il s'agisse d'un zoning, d'une friche industrielle, d'un talus ou d'un petit morceau de terrain vague dans son quartier.

Photos et vidéos : Jean-Luc Flemal