Dentalmobilis, la fabrique
à sourires

Dentalmobilis,
la fabrique
à sourires

Depuis septembre 2017, l’initiative Dentalmobilis et son cabinet mobile sillonnent les routes bruxelloises pour offrir des soins dentaires aux personnes dépendantes placées en institution.

Reportage
Gaëlle Deleyto (St.)

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Chaque mois, dans la commune d’Uccle, au sein de la maison de repos de Nazareth, a lieu un défilé un peu particulier. Dans les dédales du bâtiment, on croise dans les couloirs les bénévoles qui patientent au chaud en attendant de pouvoir accompagner les résidents jusqu’au cabinet dentaire mobile. « Ces rendez-vous c’est avant tout un moment de rencontre. Les résidents sont contents de pouvoir partager leur vie avec nous en attendant leur tour et je peux vous dire que certains ont eu une vie palpitante ! » confie Solange, bénévole retraitée.

Youssra, l'assistante dentaire, s'apprête à soigner Marie José, résidente à la maison de repos de Nazareth.

Sur le parking extérieur, l’équipe de Dentalmobilis ne chôme pas. Cynthia, Magali, Karima, et Isabelle se relaient pour assurer à la fois l’accueil, le transport et l’accessibilité des patients au cabinet mobile. A l'intérieur de cette caravane ultra-équipée, Marie José, atteinte de la maladie de Parkinson, est entre de bonnes mains. Confortablement installée sur le fauteuil et enveloppée chaudement dans une couverture, elle attend les soins dans une ambiance sonore jazzy. Roland, le dentiste, et son assistante Youssra revêtent leur masque et sont prêts à soigner la patiente. Oubliez la traumatisante « fraise », ici pas de stress, tout se passe dans la bonne humeur. « Madame est déjà venue plusieurs fois nous voir et là elle vient pour soigner une petite carie. Mais entre nous, je pense qu’on lui manquait juste un peu ! » taquine Roland Wielandts, dentiste indépendant.

Un cabinet social et solidaire

Dentalmobilis est une initiative privée qui a pour mission de favoriser la santé bucco-dentaire des personnes dépendantes vivant en institution. En effet, comme Marie José, cette frange de la population a souvent du mal à se déplacer. C’est alors à la famille ou à la maison de repos de mettre en place des taxis, des ambulances ou des aides-soignants pour les accompagner dans leurs déplacements. Mais ce système décourage souvent les personnes âgées qui ne prennent plus le temps d’aller chez un dentiste.

Après chaque intervention, l'équipe de Dentalmobilis raccompagne les résidents dans leur chambre.

Les personnes « exclues » des soins dentaires se retrouvent la plupart du temps dans une situation de faiblesse, de douleurs inexprimées, de fatalisme, sans oublier les coûts parfois trop importants que peuvent entraîner ces déplacements. « L’idée était donc d’amener le dentiste et les soins dentaires chez eux pour faciliter les choses et effectuer les soins dans de bonnes conditions » explique Cynthia Hendricks, cheffe de projet et coordinatrice de Dentalmobilis.

Actuellement, Dentalmobilis intervient dans une quinzaine d’établissements et de foyers pour handicapés, répartis essentiellement autour d'Uccle. Chaque mois, un courrier est envoyé afin de prévenir les familles que le cabinet mobile sera présent pour démarrer une « campagne » dans les institutions concernées. Les résidents ont l’occasion de s’inscrire ou non à un diagnostic du dentiste, puis Dentalmobilis renvoie un rapport et un plan de traitement pour que le chef infirmier puisse entamer les soins si besoin. Là-dessus, les familles peuvent soit accepter le devis personnalisé, et donc bénéficier des soins dans le cabinet mobile, ou retourner chez leur dentiste. Il n’y a aucune obligation.

« Grâce à nos campagnes, nous permettons aux personnes dépendantes de retrouver une meilleure qualité de vie, le plaisir de manger et une meilleure estime d'eux-mêmes. »

Karima AMMAR, Cheffe de projet et chargée de communication Dentalmobilis

Les risques liés à une mauvaise santé bucco-dentaire

Selon les chiffres de l’Inami, on recense à ce jour 1600 maisons de repos en Belgique et l'on estime le nombre de personnes dépendantes (personnes âgées, handicapées, emprisonnées…) à environ 150 000. Plus vulnérable, cette partie de la population doit redoubler d’attention lorsqu’il s’agit d’hygiène bucco-dentaire. Selon le site Senioractu, une mauvaise hygiène dentaire peut accroître fortement le risque des maladies chroniques et infectieuses, des infections des gencives, une dénutrition, multiplier les risques cardiovasculaires (hypertension artérielle, l’athérosclérose, l’infarctus, l’AVC ou l’anévrisme…) ou encore provoquer des complications en cas de diabète (ophtalmologiques, rénales, cardiaques, neurologiques ou podologiques). « 83,5% des 65-74 ans dans le monde sont concernés par des pathologies des gencives », avance Senioractu. En cas de problème, il ne faut pas hésiter à demander régulièrement des diagnostics pour déceler et anticiper les éventuels soucis pour être en mesure d’apporter une solution à temps. Idéalement, les experts conseillent de rendre visite à un dentiste au moins une fois par an.

Prévenir et guérir

Sept dentistes collaborateurs font tourner la clinique mobile à tour de rôle comme un cabinet normal pendant une demi-journée. Le matériel à disposition permet de réaliser à la fois des examens approfondis, des soins de confort (soigner les caries, faire des extractions chirurgicales et des détartrages…), mais également de s’occuper des soins conservateurs et prothétiques pour permettre aux gens de retrouver un sourire et une alimentation saine. « Ce n’est vraiment pas la même chose que de travailler dans notre cabinet fixe. C’est beaucoup plus humain et en plus on travaille dans une chouette ambiance. C’est une très belle initiative qui mérite d’être connue davantage ! » soutient Roland entre deux coups de « fraise ».

En mettant sur roues un véritable cabinet dentaire capable de se déplacer d’institution en institution, l’objectif de Dentalmobilis est de se développer pour devenir avant tout un service de prévention.

« Des formations sont données avant qu’on vienne avec le cabinet en campagne pour permettre aux aides-soignants et infirmiers de comprendre pourquoi on est là sans passer pour des arracheurs de dents ! »

Magali Symens, assistante dentaire chez Dentalmobilis

L’équipe de Dentalmobilis tient à donner le plus possible des formations de sensibilisation destinées au personnel soignant au sein des résidences afin que le brossage des dents et l’entretien des prothèses soient contrôlés et assurés. Dentalmobilis considère que le pari sera réussi lorsque le cabinet pourra se contenter d’une visite par an dans les établissements. Cela voudra dire que l’enjeu autour de l’hygiène bucco-dentaire chez les personnes dépendantes a été pris en compte dans la gestion du quotidien.

Jusqu’à présent, seule la météo semble être un obstacle au bon développement du projet. « Il y a plein de tuyaux d’eau nécessaires pour l’unité et pour le travail du dentiste. Il faut absolument maintenir le cabinet très chaud la nuit pour être sûr que ça ne gèle pas et éviter que les tuyaux se fissurent ou explosent. Et avec le temps qu'on a eu ces derniers mois, ce n'était vraiment pas facile à gérer », précise Cynthia. En attendant le retour des beaux jours, le cabinet espère pouvoir développer son activité en collaborant avec davantage de dentistes. « Nous avons de plus en plus de demandes qu’on ne peut pas assumer et pour pouvoir y répondre on a besoin de spécialistes prêts à allouer une demi-journée par semaine pour travailler avec nous afin de continuer à faire ce travail à la fois social et humain», conclut la coordinatrice.

Photos et vidéo : Gaëlle Deleyto

170 000 euros

Le concept de cabinet mobile n’est pas neuf. Actuellement aux Pays-Bas, deux d’entre eux circulent pour apporter des soins aux réfugiés. L’idée est à la fois originale et pratique, mais il faut toutefois être prêt à faire un investissement conséquent. Pour aménager un véhicule comme celui de Dentalmobilis, il faut compter entre 140 000 et 170 000 euros. L’initiative privée a développé son activité sur fonds propres et ne reçoit à ce jour aucune aide publique. Les frais des soins dentaires sont quant à eux pris en charge par les mutuelles.