Opération "Air propre"
à l'UNamur

Opération "Air propre"
à l'UNamur

A l'intérieur comme à l'extérieur, les composés organiques volatils sont partout et constituent un réel enjeu de santé publique.
Des chercheurs namurois finalisent la mise au point d'un "filtre" catalytique qui permet d'assainir l'air ambiant.

Reportage
Gilles Toussaint

Suivez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/LalibreInspire/

Vous les sentez parfois, mais vous ne les voyez pas. Ils baignent pourtant votre vie quotidienne. "Ils", ce sont les composés organiques volatils (COV). Des composés chimiques qui existent à l'état naturel, mais qui sont également présents en masse dans les produits manufacturés et qui ont la particularité de se vaporiser très facilement à température ambiante . "Ils se transforment en vapeur et sont relâchés dans l'air", résume Bao Lian Su, professeur au département de chimie de l'Université de Namur.

Le problème, c'est que, aussi discrets soient-ils, ces COV ne sont pas anodins : ils présentent une série de risques tant pour la santé que pour l'environnement, poursuit notre interlocuteur.

Des molécules omniprésentes et nuisibles

Le parfum d'une rose, un feu de bois, l'odeur du cuir, les gaz d'échappement d'une voiture, la peinture qui recouvre les murs d'une habitation, les meubles, les huiles essentielles qui sont tellement à la mode… Les composés organiques volatils sont partout, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Ils se déclinent en trois familles, détaille le Pr Bao Lian Su : les hydrocarbures à base de carbone et d'hydrogène (benzène, toluène, hexène…); les composés organiques oxygénés (formaldéhyde, acide acétique…) ou encore les hydrocarbures chlorés.

D'un COV à l'autre, le danger varie selon la molécule concernée et sa concentration, ajoute Tarek Barakat, docteur en chimie, qui l'assiste dans ses recherches. "Certains sont cancérigènes, d'autres peuvent poser des maladies respiratoires comme l'asthme ou même passer dans le flux sanguin. Ils se déposent sur les sols, contaminent l'eau et sont absorbés par les plantes et les animaux." Un danger encore amplifié par "l'effet cocktail" qui résulte de la combinaison incontrôlée de ces molécules entre elles.

Le moment où l'on est exposé à ces substances joue également un rôle, complète Bao Lian Su. "Le corps des adultes développe une certaine résistance, mais cela présente un danger pour les fœtus dont les cellules n'ont pas encore cette capacité."
En outre, les produits chlorés sont problématiques pour l'environnement, ils peuvent influer sur le climat ou détruire la couche d'ozone. Autant de bonnes raisons de chercher à réduire notre exposition.

Seek and destroy

Depuis une quinzaine d'années, le scientifique namurois et son équipe travaillent à la mise au point d'un procédé qui doit permettre de capter et de détruire ces indésirables COV.
Une mission de longue haleine menée en partenariat avec des chercheurs de plusieurs universités partenaires, belges et françaises, dans le cadre du programme européen Interreg France-Wallonie-Vlaanderen.
Baptisée "DepollutAir", la troisième phase de ces recherches a débuté l'an dernier. Une phase qui vise à mettre au point, d'ici quatre ans, des outils de traitement de ces polluants à destination des industries.

Au cours de ces années de recherches, les acteurs impliqués ont développé différentes méthodes qui permettent de capter ces composés organiques volatils en grande quantité et de les détruire. "Chacune de ces technologies a des avantages et des inconvénients. Mais utilisée seule, aucune ne permet d'éliminer les COV de façon suffisamment efficace. Et nous devons aussi veiller à ne pas créer de molécules résiduelles encore plus dangereuses", explique le Pr Bao Lian Su.

L'idée est donc de les combiner en un seul matériau multifonctionnel qui capte ces polluants par adsorption et les détruit grâce à ses propriétés catalytiques ou photocatalytiques. Ce qui, en schématisant, revient à les brûler. Ce matériau sera adapté selon les besoins et les particularités des industriels, précise-t-il.

Une poudre "miracle"

Concrètement, le matériau en question se présente sous la forme d'une… simple poudre. Celle-ci sera intégrée à des prototypes de filtres que des ingénieurs de l'Université de Mons sont chargés de mettre au point. A terme, ces filtres catalyseurs pourront être installés au sein des installations industrielles où les concentrations de COV sont généralement très élevées.

"Aujourd'hui, les normes européennes sont très strictes, mais en pratique elles sont peu respectées car les entreprises manquent de technologies et il serait trop coûteux de leur demander de changer tout leur processus de production", observe Tarek Barakat. "L'avantage de notre système, c'est qu'il permet de s'adapter aux infrastructures existantes. Nous travaillons donc sur son optimisation, notamment au niveau de son prix."

A l'usine, dans la rue, à la maison...

Mais les applications potentielles sont beaucoup plus larges, esquissent encore les deux scientifiques. Dans quelques années, on peut parfaitement envisager que de tels filtres soient inclus au système de ventilation que l'on trouve dans toutes les constructions modernes, à une cheminée par laquelle sont évacuées les fumées d'un poêle à bois ou encore aux pots d'échappement des voitures, avancent-ils.

Cette poudre dépolluante pourrait également être incorporée dans les peintures murales. "La peinture a ainsi la capacité d'absorber les molécules de COV puis de les décomposer une fois qu'elle est exposée aux rayons du soleil ou à une lumière artificielle. Au Japon, une peinture de ce type a été appliquée dans des tunnels", illustre le Pr Bao Lian Su. Les solutions sont désormais à portée de main, insiste-t-il, encore faut-il qu'il y ait une volonté de s'en emparer et de les appliquer.
De leur côté, les chimistes de l'UNamur collaborent avec plusieurs grands industriels implantés en Wallonie pour affiner les procédés et convaincre de l'efficacité d'une technologie qui devrait être rapidement opérationnelle à grande échelle.

Photos et vidéo : Gilles Toussaint