L'imprimante 3D, nouvelle alliée des Repair Cafés

L'imprimante 3D, nouvelle alliée
des Repair Cafés

Des écouteurs capricieux, un lecteur CD amoché et quelques trous à raccommoder sur un gilet... C'était la fête du bricolage ce jeudi au Parlement fédéral, où les députés ont eu l'opportunité de prendre part à un Repair Café.
L’objectif principal de cette opération mise sur pied par l’ASBL ARC était de sensibiliser les élus à la problématique de l’obsolescence programmée.

Reportage
Gaëlle Deleyto (St.)

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Si vous l'ignorez encore, les Repair Cafés sont l’occasion de ressortir des cartons les objets cassés entassés depuis des lustres dans votre garage. Dans ces événements ponctuels organisés un peu partout dans le pays (tant à la ville qu'à la campagne), des bénévoles se chargent d’effectuer des réparations, à condition que tous les participants mettent la main à la pâte. L’idée est à la fois de recréer du lien social tout en luttant contre l’obsolescence programmée.
Alors qu'un texte de loi est en cours d'élaboration pour tenter d'encadrer cette dérive, l’ASBL ARC a souhaité organiser cette action de sensibilisation.

Une ambiance conviviale

Entre deux sessions parlementaires, l'écolo Jean Marc Nollet et d’autres élus se sont ainsi prêtés au jeu en amenant leur matériel en réparation. "Je laisse entre vos mains mon lecteur CD, en espérant que vous pourrez faire un miracle !", sourit Jean-Marc Nollet en s'adressant à un des bénévoles présents.

Pendant que les tournevis s’agitent, les couturières refont des ourlets à tour de bras. À l’entrée, le public est invité à s’inscrire sur un tableau à un atelier de réparation. On indique grâce à des post-its ce qui est en cours et ce qui est terminé afin de fluidifier l’attente et de canaliser les frustrations quand celle-ci se fait un peu longue. Car ici, pas question de juste déposer son matériel et puis partir, on répare ensemble.

"Il n’y a pas plus belle récompense que de voir le sourire des gens quand on a réussi à réparer leur machine. C’est un super bon retour car on a tous besoin d’un minimum de reconnaissance."

Philippe Lezin, participant bénévole au Repair Café.

Cette initiative, basée sur la solidarité entre voisins dans un quartier, permet de se rencontrer et de partager des compétences pour s’entraider afin d’améliorer la durabilité des objets du quotidien.
"Je tente de réparer cette paire d’écouteurs, mais je constate que c’est indémontable." Philippe Lezin, enseignant retraité en est à son 60e Repair Café. Passionné d’électronique, cela fait cinq ans qu’il participe à ces événements à Namur. "Je trouve que c’est une belle initiative à laquelle j’adhère complètement. J’en arriverai à ne plus faire chez moi des choses essentielles pour vivre l’ambiance d’un Repair Café !", confie-t-il dans un grand éclat de rire.

Obsolescence programmée : une proposition de loi attendue cette semaine

Alors que nos voisins français ont légalement interdit l’obsolescence programmée depuis 2015, en Belgique les choses commencent seulement à se mettre en place.Pour Arnaud Dubuc, chargé de projet à l’ASBL ARC, le but de la journée de jeudi était d’ouvrir le dialogue entre les citoyens et les politiques.
“La lutte contre l’obsolescence programmée, qui s’organise de manière citoyenne, ne peut pas à elle seule contrer tout le problème. Il faut légiférer pour donner du poids à ce mouvement et donner des armes aux citoyens pour se défendre contre les entreprises qui pratiquent l’obsolescence programmée”, argumente-t-il.
Actuellement, les projets politiques sont divers. Le MR, le PS, le CDH et ECOLO planchent sur un texte de loi. Le MR, ayant une approche plus économique de la chose, préfère valoriser l’économie circulaire et les possibilités de création de richesse et d’emplois.
Les autres ont une approche plus citoyenne, voire écologique, juge notre interlocuteur. Chacun compte légiférer soit dans un objectif de protection du citoyen et du consommateur, soit dans un objectif de protection de la planète. La terminologie est différente d’un projet à l’autre, certains parlent d’obsolescence “prématurée”, d’autres d’obsolescence “anticipée”.

Extension de garantie ou réparation plus abordable. Les mesures proposées s’axeront essentiellement sur une extension de la garantie pour sensibiliser à la production ou sur la réduction de la TVA à la réparation.
“Tous ces projets sont valables pour nous, à partir du moment où le constructeur est sensibilisé au problème”, ajoute Arnaud Dubuc.Une autre piste évoquée par l’ARC serait d’afficher la durée de vie d’un appareil plutôt que de proposer une garantie d’un ou deux ans.Une prise de position claire de la part de la majorité est donc attendue cette semaine.
“En dépit de toute paternité du parti, on veut seulement qu’un texte de loi soit voté et qu’il prenne en considération toutes les souffrances que les citoyens subissent à cause d’une problématique telle que l’obsolescence programmée”, conclut notre interlocuteur.

Où vont les objets irréparables ?

Les objets qui ne sont pas réparables peuvent être utilisés en ressourcerie, où l’on démonte les appareils pour en récupérer les composants et les placer sur d’autres objets pour les remettre en circulation. Autre solution : les envoyer dans un système de recyclage responsable et non dans des décharges à ciel ouvert.
Une autre possibilité proposée par l’ASBL ARC consiste à aller directement chez des réparateurs professionnels partenaires qui réalisent des réparations de manière éthique à des prix accessibles avec des devis gratuits.

124 - On recense 100 Repair Cafés en Wallonie et 24 à Bruxelles. On y répare en moyenne 60% des objets proposés, ce qui représente une économie de 130 tonnes de déchets.

L’argument "Remplacer coûte moins cher que de réparer" ne se vérifie donc pas toujours. Il vaut mieux se renseigner sur les possibilités de réparation de son appareil avant de se ruer sur un nouvel achat.
"Parfois réparer est moins écologique que de remplacer. On ne prône pas un remplacement systématique, ce que l’on veut c’est être raisonné et raisonnable", souligne Arnaud Dubuc, chef de projet à L'ARC.
En effet, si votre centrale vapeur affiche une consommation énergétique désastreuse, alors il est sans doute préférable d’investir dans un modèle plus économique.

L’imprimante 3D à la rescousse

L’imprimante 3D est un appareil qui a déjà fait ses preuves dans plusieurs domaines et notamment la médecine. Mais elle s’avère également très utile dans le domaine de la réparation. Aujourd’hui, à partir d’un logiciel installé sur un ordinateur, il est possible de recomposer le modèle en 3D d’une pièce détachée.
Alors que certaines pièces ne sont plus disponibles dans le commerce, cette machine permet en plus ou moins une demi-heure de récupérer un composant manquant !

"Ici on produit directement ce dont on a besoin, on est dans une logique de circuit court puisqu’on fabrique et on remplace directement sur place."

Guy Brunin, professeur et encadrant de l’atelier imprimante 3D.

Les éléments fabriqués en plastique (PLA) ont pour avantage de pouvoir être fondus sans dégager de vapeur trop nauséabonde. Son inconvénient, c’est que les pièces faites dans ce plastique sont rigides et se ramollissent à une température avoisinant les soixante degrés.
Mais il existe une multitude de plastiques, des plus solides aux plus souples - et même transparents - à adapter en fonction de la pièce souhaitée.
Il est donc plus intéressant de pouvoir refabriquer une pièce à partir d’un original que l’on recopie, plutôt que de refabriquer toute une série de pièces qui sont stockées et acheminées ici et là.
Cette imprimante semble être une révolution pour les Repair Cafés. Seul "hic": son prix... Les plus performantes montent parfois jusqu’à 2 000 euros. Mais dans le monde des "Makers", les bricoleurs de génie, il est possible de s’en procurer à des tarifs beaucoup plus démocratiques : entre 100 et 200 euros.
Au sein du Parlement, en tout cas, de nombreux élus semblaient séduits.

Photos : Gaëlle Deleyto
Vidéo : Gaëlle Deleyto